
Alors que le gouvernement cherche à protéger les entreprises des revendications salariales avec l’« indemnité inflation » accordée aux travailleurs gagnant moins de 2 000 euros, des salariés de Decathlon ont décidé de compter sur leurs propres forces. Dans le nord de la France, certains d’entre eux ont entamé un bras de fer avec leur direction pour obtenir des augmentations salariales durables.
Dans le Decathlon de Neuville-en-Ferrain, en banlieue de Lille, dès 9 heures du matin, les vendeurs en gilet bleu gèrent l’accueil, la réparation des vélos abîmés, conseillent coureurs et escrimeurs avant de les accompagner devant la rangée de caisses automatiques qui ne cesse de s’allonger. Dans les rayons, les discussions sur les petits salaires se font de plus en plus récurrentes.
Les salariés de Decathlon sont payés 1 700 euros brut par mois en moyenne, selon la CFDT. Le 16 octobre, à l’appel du syndicat, 800 salariés se seraient mobilisés. Selon la direction, seulement 304 grévistes ont été comptabilisés.
Pour la première fois de l’histoire des magasins Decathlon en France, des salariés se sont mis en grève pour réclamer des hausses de salaire dans un contexte de « bénéfices records en 2021 ». En fin d’année dernière, le groupe du Nord revendiquait 97 000 collaborateurs, dont 22 300 en France, avec 328 points de vente dans l’Hexagone. Dans le bilan 2020, l’entreprise affichait 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France. (...)
Dans les allées du magasin de Neuville-en-Ferrain et sur le groupe Facebook dédié aux salariés de l’enseigne, tous racontent la même chose, de longues carrières et de petits salaires : « 28 ans, pas une seule augmentation » ; « je travaille en logistique depuis 18 ans, je n’ai eu qu’une augmentation de 20 € brut et je suis toujours junior », peut-on lire sur le groupe qui compte plus de 11 400 membres. (...)
Dans les allées du magasin de Neuville-en-Ferrain et sur le groupe Facebook dédié aux salariés de l’enseigne, tous racontent la même chose, de longues carrières et de petits salaires : « 28 ans, pas une seule augmentation » ; « je travaille en logistique depuis 18 ans, je n’ai eu qu’une augmentation de 20 € brut et je suis toujours junior », peut-on lire sur le groupe qui compte plus de 11 400 membres. (...)
Première grève des salariés des magasins de Decathlon
Samedi 16 octobre 2021, le débrayage a eu lieu de 10 heures à 13 heures. Les salariés mobilisés réclamaient que la hausse automatique du smic de 2,2 %, liée à l’inflation, s’applique à tous et non pas seulement à ceux qui touchent le smic.
Lors des négociations sur les rémunérations qui se sont clôturées à la rentrée, les salariés des magasins ont obtenu des tickets-restaurant à 6 euros, à la place de 4 euros auparavant, et une augmentation de leur salaire de 4 %. « On était contents, explique Ludovic Capelle, responsable syndical de la CFDT dans le magasin de Neuville-en-Ferrain. Puis l’annonce de l’augmentation de 2,2 % du smic est arrivée et la direction nous a appris qu’elle ne serait accordée qu’aux salariés au smic. » (...)
« Augmenter de 2,2 % uniquement les plus bas salaires revient à mettre au même niveau les salariés payés au smic et ceux payés quelques euros de plus qui venaient d’être augmentés par les négociations annuelles, poursuit le représentant syndical. Nous, on veut que tout le monde profite de cette petite augmentation de 2,2 % parce qu’on est tous mal payés et que le coût de la vie ne cesse de grimper. » (...)
En juin, les actionnaires en assemblée générale ont voté une redistribution des bénéfices de 2020 qui leur est particulièrement bénéfique : la famille Mulliez, qui détient 51 % des parts de l’entreprise, et la famille Leclercq, qui en détient les 49 % restants, se sont partagé 350 millions d’euros de dividendes.
Des bas salaires et 350 millions d’euros de dividendes pour les actionnaires
« Ce dispositif légal est activé annuellement après le paiement des salaires, des primes, des charges, des impôts, des investissements, précise la direction de l’enseigne. Cette distribution de dividendes profite également aux actionnaires salariés de Decathlon à hauteur de 12 %, ce qui existe dans peu d’entreprises à ce niveau. »
Des miettes, à en croire les salariés. « Ils ne veulent pas nous accorder 2,2 % d’augmentation, soit 34 euros par mois, alors qu’eux touchent des sommes énormes » (...)
Parmi les salariés mobilisés, la déléguée syndicale de la CGT, Samia Salhi, était particulièrement en colère : « En usine, on est encore moins bien lotis. On nous met la pression pour remplir leurs objectifs et avoir accès à nos primes, puisqu’une part de notre salaire n’est pas fixe. Ici, on est tous au smic à quelques euros près, peu importe l’ancienneté », souffle l’équipière de ligne qui assemble des vélos pour Decathlon depuis 2014.
Maigres salaires fixes et primes indexées sur « l’enchantement des clients » et les vente (...)
Du côté des entrepôts et des usines de Decathlon, la colère gronde pour les mêmes raisons. (...)
Sur Twitter, l’élu régional issu des rangs de La France Insoumise, Julien Poix, a apporté son soutien aux salariés de l’enseigne : « La précarité règne au sein du groupe : la part fixe des salaires est trop faible par rapport à une part variable qui fluctue au gré de la vie du marché et des ventes. »
Le 25 octobre, c’est l’usine située au Btwin Village de Lille qui s’est mobilisée. Plus de la moitié des ouvriers en CDI ont continué à travailler, mais affiches et pancartes sur le dos pour redire leur désaccord avec la politique salariale du groupe : « L’inflation avec Decathlon, on l’a dans l’fion. » (...)