
[LETTRE OUVERTE] Points d’eau supprimés, distributions alimentaires entravées par les forces de l’ordre, violences physiques : les témoignages, rapports et reportages font état ces derniers jours d’actes de maltraitance inhumains insupportables envers les 600 exilés à Calais. Dans cette lettre adressée au président de la République, Emmanuel Macron, plusieurs personnalités demandent à ce que ces violences cessent.
M. le président de la République,
Depuis plusieurs années maintenant, des milliers de migrants transitent chez nous, à Calais, en espérant atteindre la Grande-Bretagne. Ils aspirent à une vie meilleure. Ils ont fui leur pays, leurs proches, leurs familles, ont parcouru des milliers de kilomètres, ont échappé au pire : la faim, la soif, la répression, l’esclavage, la mort. Ils espèrent et attendent sur notre territoire dans des conditions qui ne nous honorent pas. Ces conditions nous font honte. C’est pourquoi M. le Président, nous, associations, ONG, chercheurs, journalistes, écrivains, avocats, artistes, comédiens, réalisateurs, élus, policiers, enseignants, décidons de vous interpeller.
Depuis le démantèlement du camp de Calais fin octobre 2016, les associations et organisations non gouvernementales dénombrent 600 migrants sur place.
Celles-ci se battent pour leur assurer ce qu’il y a de plus élémentaire : de l’eau et de la nourriture. Mais voilà deux semaines que les autorités rendent cette tâche difficile.
Qu’une “sorte de traque” est organisée pour reprendre les propos du Défenseur des droits dont les collaborateurs se sont rendus sur place.
Nous avons lu que des officiers de police interdisent à des migrants de se rendre à une distribution de vivres.
Nous avons aussi pris connaissance de ces témoignages de bénévoles, rapportés par plusieurs journalistes, qui racontent comment les CRS les ont empêchés de donner à boire à des exilés dont des enfants.
Nous avons appris que tous les points d’eau ont été supprimés, que les exilés dorment à même le sol. Nous avons aussi lu ces récits de migrants qui racontent qu’on les frappe, qu’on les gaze.
« Qui » donne ces ordres ? Est-ce donc cela, selon vous, une police qui protège et qui sert ? Les forces de l’ordre ne méritent-elles pas mieux que d’assoiffer des femmes, des hommes, des enfants déjà exténués par leurs conditions de survie ? Est-ce faire honneur aux policiers que de les assigner à des tâches si inhumaines ?
Vous le savez, ces faits sont constitutifs d’une “atteinte aux droits fondamentaux d’une exceptionnelle et inédite gravité”. La justice a été saisie, et nous avons bon espoir qu’au moins, les pressions sur les associations cessent afin qu’elles puissent faire leur travail correctement, afin qu’elles puissent assurer le minimum. Mais vous avez le pouvoir d’agir afin que ces pressions cessent dans l’heure. Et vous avez un pouvoir plus grand encore, celui de mettre en place une politique migratoire digne comme le demandent plus de 200 organisations.
Il y aurait, lit-on, une volonté des pouvoirs publics de ne plus voir de migrants à Calais. Mais il y a une volonté plus grande encore : celle qu’ont ces migrants de vouloir construire une vie meilleure pour eux et leurs familles. Aucun gouvernement ne parviendra jamais, et par quelque mesure que ce soit, à empêcher un individu que la mort, la faim ou la répression poursuit d’aller vers là où la vie est plus douce.
Alors nous vous proposons de faire vôtre une autre volonté : celle de ne plus voir, sur notre territoire, d’individus, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent, victimes de violences et de traitements inhumains et dégradants exercés par l’État. Cela commence par mettre fin à ce qui se passe à Calais. C’est une question d’humanité. Nous ne vous demandons pourtant pas d’être généreux ; il n’est pas question de sacrifier la raison au coeur ; il s’agit seulement, au lieu de mener une politique inutile, et inutilement violente, de respecter les droits humains.