
L’auteur de cette tribune, éleveur, plaide pour une lutte commune entre paysans et militants de la cause animale contre le « monde mortifère des productions animales industrielles », car les divisions nourrissent les « victoires des multinationales ».
Le 5 septembre dernier, l’appel lancé par L214 contre l’élevage intensif était, d’abord et avant tout, un appel à l’union des forces parmi ceux que la souffrance et l’abattage de masse d’animaux réifiés animent d’un sentiment de révolte. L’appel devait donc se comprendre comme une invitation à briser les chaînes partisanes qui divisent et minent les efforts d’opposition au monde mortifère des productions animales industrielles.
Cette main tendue, les quelques organisations professionnelles agricoles historiquement opposées à l’industrialisation du vivant ont fait savoir qu’elles n’en voulaient pas. Invoquant le bon sens et la cohérence, ces organisations ont appelé leurs adhérents et sympathisants à ne pas céder au nouveau chant transpartisan de la plus connue des sirènes animalistes. Chacun fut donc invité à contourner l’écueil et à resserrer les rangs autours de ce qui est rapidement devenue une confortable évidence. De ce genre d’évidence qui voudrait, par exemple, qu’on refuse toute forme de coopération avec ceux qui, à terme, souhaiteraient notre disparition.
Paysans et militants de la cause animale s’opposent déjà, côte à côte, aux tristes idoles du productivisme (...)
Dans le Morbihan, en l’espace de quelques mois, trois projets d’agrandissement de poulaillers industriels viennent d’être annoncés : est-il vraiment sensé et sérieux de penser que les opposants à ces projets peuvent se permettre de faire le tri dans leurs rangs, en tournant le dos à des groupes locaux de militants animalistes motivés, souvent plus disponibles que les paysans et ouverts à la coopération ? Au nom de quoi faudrait-il dédaigner ces soutiens ? La dignité ? Une forme d’orthodoxie syndicale ou de code de l’honneur paysan ? Que valent ces conventions, ces injonctions à ne pas s’ouvrir à l’altérité si la division qu’elles engendrent participe des victoires des multinationales ? (...)