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« On va avoir un paysage lunaire ! » L’Espagne affronte la désertification
Article mis en ligne le 9 février 2020

D’immenses serres qui ravitaillent l’Europe en tomates, des cultures intensives d’amandiers ou d’oliviers... En Espagne, ces pratiques agricoles provoquent de l’érosion, dégradent les sols et mènent, en bref, à la désertification accéléré du pays. En face, petits paysans et associations luttent pour une « agriculture régénératrice ».

Une promenade au-dessus d’Almería, en Andalousie, permet de lire dans le paysage la transformation qu’a connue l’agriculture espagnole dans les dernières décennies : à flanc de montagne, les terrasses qui supportaient autrefois une agriculture à petite échelle s’effondrent lentement. En contrebas, le long de la Méditerranée, la célèbre « mer de plastique » — 30.000 hectares de cultures sous serre — épuise les aquifères, touchés par des intrusions d’eau saline. En haut comme en bas, les sols sont fortement dégradés. Et cela devient un problème encombrant en Espagne, pays dont 74 % du territoire est soumis à un risque de désertification — selon les critères de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification — car composé de zones arides, semi-arides ou subtropicales sèches. (...)

Débarrassons-nous tout de suite d’un cliché : les dunes du Sahara ne vont pas envahir la péninsule ibérique. « Il ne faut pas confondre désert et désertification », insiste Gabriel del Barrio, chercheur à la Station expérimentale de zones arides (EEZA) à Almería. Le premier est un écosystème mature avec une biodiversité qui lui est propre, alors que la seconde est un « processus socio-économique » : à la suite de la surexploitation par l’humain d’une ressource naturelle dans une zone où l’eau est un facteur limitant, la végétation devient plus rare, l’écosystème se simplifie exagérément, ce qui cause une dégradation des sols jusqu’à ce qu’ils en perdent leur capacité productive.

À ce titre, le changement climatique ne peut être déclaré coupable de la désertification : il ne peut qu’amplifier le problème, par exemple en aggravant les sécheresses. (...)

Les immenses serres qui ravitaillent l’Europe en tomates sont un des exemples les plus critiques et actuels de désertification, selon Gabriel del Barrio, car les aquifères s’y rechargent en eau beaucoup plus lentement qu’on ne la pompe. (...)

une caractéristique de la désertification : elle est irréversible. Seule la prévention fonctionne. (...)

Agronome de formation, M. Gómez se revendique de l’« agriculture régénératrice », qu’il pratique sur sa propriété : il sème un mélange de graminées et de légumineuses, afin de créer une couverture végétale qui protège la terre de l’érosion. Comme les autres producteurs, lui aussi passe avec son tracteur, mais seulement en octobre pour semer, et en mars pour incorporer ces herbes à la terre afin qu’elles servent d’engrais vert.

S’il est si simple de lutter contre l’érosion, pourquoi les autres producteurs ne font pas la même chose ? « Ils ont peur que les plantes fassent de la compétition aux arbres pour l’eau », explique celui qui est aussi conseiller technique d’une petite association locale qui prône ces méthodes, AlVelAl. « Cela peut arriver, notamment en pente, raison pour laquelle on ne laisse pas la couverture végétale toute l’année. »

Les habitudes ont la vie dure, mais AlVelAl a quand même converti 3.000 hectares d’amandiers à ses méthodes. Les amandes sont commercialisées sous le nom Pepita de Oro et présentées comme « régénératrices du sol ». Elles se vendent surtout un peu plus cher, ce qui génère un revenu supplémentaire pour les agriculteurs participants et limite le dépeuplement des villages alentour, pense l’association. (...)

Le défi est de taille : en décembre 2019, le conseiller spécial pour l’action climatique du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Andrew Harper, a averti que la désertification rendrait non viables des localités espagnoles entières, forçant leur résidents à chercher un nouveau lieu où vivre. (...)

Du côté du gouvernement : des projets prometteurs... enterrés depuis bien longtemps (...)