Pour faire face au phénomène des "taxi-boats" de migrants, les autorités du Pas-de-Calais ont décidé d’installer un barrage flottant en travers de la Canche, un fleuve qui se jette dans la Manche tout près du Touquet et d’où les exilés prennent souvent la mer.
(...) À quelques mètres du pont rose de la ville d’Étaples, à une soixantaine de kilomètres au sud de Calais, la navigation est désormais interdite. Ce nouveau dispositif, mis en place par la préfecture du département, vient s’ajouter à celui déjà existant pour lutter contre l’immigration illégale et les traversées de la Manche.
Avec cette ligne de bouées qui traversent le fleuve de part en part, fixées à deux piliers en béton, c’est plus particulièrement aux "taxi-boats" que les autorités veulent s’attaquer. Un phénomène de plus en plus utilisé par les passeurs du littoral français pour rejoindre le Royaume-Uni. (...)
Et pour justifier ce nouveau dispositif, la préfecture explique que le phénomène des "taxi-boats", "est monté en puissance depuis quelques mois". "Depuis le début de l’année 2023, 22 évènements ont été recensés sur le fleuve de la Canche, avec une moyenne de 46 migrants sur chaque embarcation". Ainsi, avec ce barrage flottant, la préfecture espère "empêcher les ’taxi-boats’ d’atteindre le rivage et interpeller les passeurs". (...)
"Doubler le temps de traversée et les risques qui vont avec"
Pour les associations sur place, le discours est le même qu’à chaque annonce d’un nouveau dispositif sécuritaire dans la région : "Cela ne résoudra rien", glissent-elles à Infomigrants.
"Là, déjà, les gens partent de la Canche pour fuir le dispositif en place sur les côtes. Tous ces nouveaux dispositifs, ça les pousse uniquement à aller encore plus loin. Ça ne fait que doubler le temps de traversée et les risques qui vont avec", tance Pierre Roques, délégué général de l’Auberge des migrants. Et d’ajouter : "Les réseaux de passeurs vont juste se réadapter et vont devenir encore plus indispensables".
Et les chiffres montrent que malgré l’augmentation des effectifs et des moyens de surveillance de la frontière, les traversées augmentent. “Il y a toujours autant de personnes qui passent quelles que soient les dispositions”, résume Pierre Roques qui réitère la demande tenue par les associations depuis des mois : “Un accueil digne et une voie sûre entre les deux pays”. (...)
"En ce moment, la situation est très tendue dans la région", confie Francesca Morassut, coordinatrice d’Utopia 56 à Calais. "Ces derniers mois, il y a clairement une hausse des arrivées [dans la région]. Toutes les associations sont vraiment hyper sollicitées. Il y a un manque d’eau et de solution d’hébergement", explique-t-elle. Selon la responsable associative, environ 1 200 personnes, "dont beaucoup de familles", vivent dans les campements informels à Calais et 800 à Grande-Synthe. "Une situation comme on n’avait pas vu depuis des mois."