
Réseau de prostitution nigériane : un pasteur au centre du procès à Lyon
Les victimes sont des jeunes femmes venues du Nigeria via une filière de passeurs entre Bénin-City et Lyon. Le réseau était actif depuis 2015. (...)
Stanley Omoregie, 35 ans, rasé de près et petit bouc sous le menton est resté parfaitement droit dans ses bottes face aux questions pressantes de la présidente du tribunal. Celui que l’on surnomme « splendour » se présente comme un pasteur qui voulait juste aider les gens de sa communauté.
Dans un bon français, qu’il estime être le fruit d’une intégration réussie, il crie au complot. Pourtant, dès ses premières réponses, le doute s’installe. Il reconnaît qu’il louait bien des appartements à des jeunes femmes nigérianes mais jamais il ne s’était douté qu’elles se prostituaient, dit-il. (...)
La présidente le reprend : « Comment pensez-vous que ces femmes faisaient pour vous payer des loyers de plusieurs centaines d’euros par mois, sans travailler, puisqu’elles n’avaient pas de titre de séjour ? » Stanley Omoregie répond avoir voulu rendre service, sans chercher à savoir d’où venait l’argent.
Plus troublant encore, ce texto dans lequel il demande à un numéro inconnu de lui envoyer « les meilleures », « celles qui sont mûres et qui ont des beaux corps ». Là encore, Stanley Omoregie reste vague mais finit par reconnaître, du bout des lèvres, qu’il a entendu dire que certaines filles à qui il rendait service se prostituaient. (...)
De jeunes prévenues
Ce qui surprend d’abord dans ce procès, c’est que parmi les 22 prévenus présents, près de la moitié sont des femmes. Elles sont toutes nigérianes, âgées de moins de 35 ans pour la plupart, et soupçonnées d’avoir été les « mamas » du réseau, autrement dit les proxénètes.
Les hommes présents sont eux aussi relativement jeunes, à l’exception du seul Français soupçonné d’être impliqué dans ce réseau. Âgé d’une soixantaine d’années, il aurait été le garagiste qui réparait les camionnettes des prostituées.
De manière plus générale, parmi ces 22 prévenus, 11 comparaissent en détention provisoire dans le box des prévenus et 11 sont libres, sous contrôle judiciaire.
Et déjà les premiers éléments de profil commun à tous ces membres soupçonnés apparaissent. Presque tous disent être sans emploi et vivre grâce aux aides sociales comme l’allocation familiale ou l’allocation de demandeur d’asile. Certains confessent aussi du travail au noir pour survivre, mais jamais pour plus de quelques centaines d’euros par mois. Par ailleurs, avant cette affaire, quasiment aucun prévenu n’avait été condamné par la justice.
Ils encourent chacun dix ans de prison pour des délits allant du proxénétisme à la traite d’êtres humains. (...)
L’État d’Edo est touché par le chômage et peu de jeunes font des études poussées. Dans les années 80, beaucoup de femmes ont émigré en Italie pour y monter de petit commerce. Sur place, certaines se sont tournées vers la prostitution : elles ont découvert que c’est un domaine lucratif. Elles ont eu l’idée de revenir chez elles et de recruter des filles dans leurs familles, puis dans leur entourage.
Avant de partir en Europe, ces femmes leur demandent de passer un pacte : les jeunes s’engagent à rembourser une certaine somme d’argent aux trafiquants en échange d’un emploi en Europe. Une fois ce serment prononcé, la jeune recrue n’a pas le droit de reculer. Elle doit garder le silence sur les termes de son engagement. Mais une fois qu’elle rembourse sa dette, elle est libre. Elle devient à son tour une recruteuse... et c’est ainsi que ce cycle se perpétue. (...)
Dans certains cas, les parents sont complices avec les criminels qui les ont impliquées dans cette traite. À leur retour, les victimes sont rejetées par leur famille... Leurs parents ne peuvent pas supporter de les voir revenir d’Europe les mains vides.
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Le tribunal correctionnel de Lyon a condamné, vendredi 29 novembre, à des peines allant jusqu’à sept ans de prison ferme, 24 membres d’un vaste réseau de proxénétisme d’origine nigériane , jugés pour avoir sévi dans cette ville ainsi qu’à Montpellier et Nîmes en 2016-2017.
Des proxénètes, dont certains ont écopé de un à sept ans de prison, se faisaient passer pour des pasteurs.Ces derniers étaient au cœur de ce vaste réseau opérant depuis le sud du Nigéria, dans l’État d’Edo. Ils profitaient de la fragilité des jeunes femmes pour les attirer en Europe et les réduire en esclaves sexuelles.
La majorité des victimes nigérianes de la traite des femmes ont subi des rituels d’allégeance, orchestrés par des prêtres animistes.
Depuis 2018, l’Oba de Benin, le chef traditionnel le plus respecté du Nigeria, a interdit aux prêtres animistes de collaborer avec les réseaux de trafic humain.
Mais malgré la lutte menée par les autorités, les réseaux proxénètes restent hyper actifs à Benin City.