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Ligne THT : ce petit village normand qui résiste encore à l’autoroute de l’électricité
Article mis en ligne le 10 septembre 2012

Rien n’arrête « le progrès ». Surtout pas un maire entêté, une poignée de paysans désespérés, des riverains désenchantés et quelques dizaines de militants écolos non violents. L’autoroute de l’électricité, qui reliera le réacteur nucléaire EPR de Flamanville, dans la Manche, à l’agglomération rennaise, continue sa progression, inexorablement. A coup de pressions, de répressions et de millions pour acheter l’opposition. Reportage à Chefresne, en Normandie, dernier bastion de la résistance à la ligne THT.

Ce dimanche matin, les opposants à la construction de la ligne THT ont rendez-vous dans ce petit village de 310 habitants, au milieu des collines, des haies et des prés. Les opposants au projet occupent depuis mars le bois de la Bévinière, situé sur le tracé. Des plateformes, posées à une dizaine de mètres de hauteur, entourent deux arbres. Au sol, des bâches, des panneaux, une toile de tente, une cabane. Et un escabeau sur lequel on grimpe pour apercevoir, à travers les feuillages et les ronces, les trois pylônes électriques qui se dressent à l’horizon. (...)

Suite à son arrestation, le maire de Chefresne a décidé de démissionner. Par solidarité, son conseil municipal l’a suivi, excepté un conseiller. De nouvelles élections municipales se sont déroulées le 9 septembre. Les nouveaux élus pourront décider de continuer l’opposition à la ligne THT. Ou accepter la grosse subvention allouée par RTE, en contrepartie des « dommages » esthétiques et matériels provoqués par la ligne. Dans le cadre du Plan d’accompagnement au projet (PAP), le Chefresne s’est vu proposer près de 200.000 euros contre l’acceptation de la ligne. Une somme énorme pour une commune dont le budget annuel avoisine les 150 000 euros. « Nous avons réuni la population, lors d’une de nos réunions de démocratie participative qui précèdent les conseils municipaux », relate Jean-Claude Bossard. La somme a été refusée.

Le Chefresne décide alors de monter un projet alternatif, et d’installer des panneaux photovoltaïques sur l’église du village. Une garantie de vente d’électricité de 200 000 euros, répartie sur 20 ans. Sur les 45 communes qui étaient opposées au lancement du projet, seules cinq ont refusé les subventions PAP. « On la surnomme la ligne T’es acheté » (...)

« Pourquoi dépenser autant d’argent s’il n’y a pas de dangers sanitaires ?, (...) Depuis le début, nous réclamons une étude épidémiologique sur les effets de la THT. » En France, une telle étude n’a jamais été réalisée. (...)

Si tous n’osent pas aller sur le terrain judiciaire, (...) Certains sont placés en liquidation judiciaire, d’autres sont contraints d’arrêter. Quelques-uns mettent fin à leurs jours, explique François Dufour, exploitant agricole et vice-président (EELV) de la Région Basse-Normandie [5]. « D’autres n’ont pas établi le lien direct entre la proximité de la ligne THT et les différents problèmes qu’ils rencontrent sur leur troupeau », écrit-il. Beaucoup, aussi, n’osent pas faire part de leurs difficultés. (...)

« On est étroitement surveillés, raconte-t-il. Au début, on rigolait des contrôles des gendarmes. Puis c’est devenu gênant quand on s’est aperçu qu’on nous épiait avec des jumelles. On nous met la pression. » (...)

De semaine en semaine, la répression s’intensifie. Une liste de 16 supposés « leaders » de la contestation circulerait parmi les forces de l’ordre. De plus en plus d’opposants sont déférés en justice. Trois personnes, citées dans un article de journal, ont été perquisitionnées. Et une ordonnance punit tout rassemblement auprès d’un pylône d’une astreinte de 2000 euros par heure et par personne. Les actions symboliques sont donc rendues très difficiles.

A la place, les sabotages se multiplient. (...)

Mais pour que la construction continue, il faudra traverser le bois, déloger les opposants du haut des plateformes. Une dernière bataille, pour l’honneur, avant que l’autoroute de l’électricité ne poursuive son chemin. Sauf contre-ordre de l’État. Craignant des affrontements avec les forces de l’ordre, les opposants ont décidé, début septembre, de ne plus occuper le bois que de façon symbolique, mais d’arrêter d’y vivre. (...)