
Une coalition inédite de praticiens hospitaliers et d’urgentistes — mobilisés pour la défense de l’hôpital public, dont Christophe Prud’homme et le collectif Inter-Urgences, du membre de l’académie de médecine Alfred Spira, de chercheurs en santé publique dont Didier Fassin, de l’économiste Thomas Piketty, de producteurs de films, du comédien Océan, de l’écrivain Edouard Louis, du compositeur Bertrand Burgalat, de victimes de scandales sanitaires et de militants de l’accès à la santé, aux côtés d’organisations de lutte contre le diabète, contre le sida, et contre la corruption et ainsi que de syndicats de chercheurs de l’industrie pharmaceutique, demande à Edouard Philippe et Agnès Buzyn la transparence dans les politiques du médicament.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 sera présenté au Sénat la semaine prochaine. Lors de la lecture du texte à l’Assemblée nationale, le jeudi 24 octobre, le gouvernement s’est opposé à tous les amendements demandant la transparence. (...)
Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre,
A l’Assemblée nationale, le gouvernement s’est opposé à des amendements visant à concrétiser un engagement pris par la France auprès de l’Assemblée Mondiale de la Santé : assurer la transparence sur les prix des médicaments et des produits de santé.
Ces amendements demandent la collecte, la mise en relation et la publication d’informations indispensables : les prix, y compris les volumes, les marges des intermédiaires, les contributions financières à la recherche et au développement, dont les financements publics, tout comme les informations sur les brevets, sur les alternatives génériques, y compris hors Union Européenne, sur l’origine de la matière première et des principes actifs. Ces informations sont essentielles pour négocier les prix et identifier les produits que notre système de santé paie deux fois, une première fois à travers les contributions publiques en R&D, puis par les remboursements de l’Assurance maladie.
L’avis défavorable du gouvernement à ces amendements est incompréhensible et n’est pas tenable politiquement :
* Il revient à défendre l’opacité et à vous opposer à une exigence démocratique forte.
* C’est le reniement d’un engagement français pris devant l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).
* La transparence a été défendue par un large front transpartisan (les Républicains, les socialistes et apparentés, le groupe communiste et la France insoumise). Là où des mesures importantes comme le congé pour les aidants ont su faire l’unanimité, le gouvernement a brisé ce consensus sur un sujet tout aussi essentiel.
* Alors que les personnels des urgences et des hôpitaux se mobilisent contre les effets de 20 ans de politique d’austérité, alors que sont annoncées des restrictions à l’accès aux soins des étrangers, alors qu’une réforme des retraites qui va conduire à de nouveaux sacrifices inquiète, comment peut-on encore entretenir l’opacité sur les pratiques de l’industrie pharmaceutique ?
(...)
Comment pensez-vous expliquer à nos concitoyen-nes, et notamment aux personnels soignants qui manifesteront le 14 novembre, que 150 millions d’euros annuels de soutien à la recherche sont utilisés pour licencier des chercheurs, que ce fait a été documenté par les associations et non les services de l’État, et que vous refusez de faire la lumière de façon générale sur ces pratiques ?
* En plein procès du Médiator, et alors même que la laboratoire Servier réclame à l’État un remboursement de 30 % des indemnisations versées
aux victimes, s’opposer à la transparence sur les politiques du médicament en invoquant, comme l’a fait le rapporteur en séance, le secret des affaires, semble apporter la preuve que le gouvernement et la majorité parlementaire privilégient les intérêts privés sur l’intérêt public. (...)