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Mediapart
Les animateurs périscolaires en grève pour « la reconnaissance »
Article mis en ligne le 20 novembre 2021

Largement oubliés depuis le début de la pandémie, ils sont en première ligne. Ce 19 novembre, des personnels de centres de loisirs sont en grève, partout en France, pour gagner la considération des pouvoirs publics et la revalorisation de leurs rémunérations.

« Cet été, confiez vos enfants à des professionnels… », disait l’affiche du film Nos jours heureux, qui racontait une colonie de vacances joyeusement bordélique, en 2006. Professionnels, certes, mais mal payés, sans doute. Obtenir une meilleure rémunération fait partie des motivations de la grève des animateurs de colonies de vacances, de centres de loisirs et autres activités périscolaires, qui a lieu dans toute la France ce vendredi 19 novembre, veille de la journée internationale des droits de l’enfant.

La mobilisation est partie des réseaux sociaux. « Ce sont vos êtres les plus chers, on est les moins payés », peut-on lire sur une pancarte partagée sur un groupe de mobilisation Facebook. « Le mot d’ordre de cette mobilisation, c’est la revalorisation du métier », clame Élisa Rives, directrice de centre de loisirs à Toulouse et représentante syndicale Sud-Solidaires Collectivités territoriales. Une revalorisation « financière, oui », mais qui doit aussi passer par « une professionnalisation du métier, donc par la titularisation des agents ». (...)

Une partie non négligeable des animateurs qui travaillent au sein des écoles sont contractuels en CDD, ou vacataires de la fonction publique. Ce dernier statut est normalement destiné à répondre à une demande ponctuelle, mais est utilisé dans les faits pour occuper des postes pérennes. Selon la loi, un agent peut rester vacataire six ans maximum.

Le manque de reconnaissance professionnelle expliquerait la pénurie d’animateurs qui se fait sentir depuis quelques années maintenant, comme le rappelle Élisa Rives : « Je travaillais dans un accueil de loisirs il y a dix ans, on avait une capacité de soixante enfants. Aujourd’hui, ce même accueil a une capacité de vingt-deux enfants, notamment parce qu’il n’y a pas assez de personnel. »

Pour elle, les gouvernants ne se rendent pas compte que « le métier d’animateur a changé : la plupart des animateurs font ça à temps plein ». Cette professionnalisation passe aussi par la création d’une véritable filière de l’animation, « qui aille jusqu’à la catégorie A ainsi qu’une revalorisation salariale », explique la militante, qui demande de « dégeler le point d’indice pour atteindre un salaire minimum de 1 700 euros ». (...)

Le manque de formation précarise de facto la profession. Et cette précarité risque de peser sur la mobilisation de ce jour de grève nationale. Mais il y en aura d’autres, assurent les responsables syndicales. « Le 19 novembre, c’est le début. Mais en décembre, nous appelons à un mouvement d’ampleur, avec plein de manifestations prévues, pour la reconnaissance de la profession », précise la responsable CGT.
« Pas un métier définitif »

« On veut se faire entendre », explique Jordan, directeur de centre de loisirs en banlieue parisienne. Il identifie le Covid comme un accélérateur de cette motivation : « Dans toutes les mesures qui sont annoncées, on oublie toujours les animateurs. Même pendant les confinements, pas un mot sur nous alors qu’on était en première ligne. » (...)

Yanis, animateur vacataire à Paris, est gréviste. Pour lui, « c’est une question de reconnaissance surtout ». Il estime qu’être mieux considéré changera « la vision de la société ». « Et si on est mieux reconnus, notre statut et notre rémunération évolueront forcément. »

Yanis a longtemps souffert de l’image de légèreté et de manque de sérieux liée à la profession (...)

Il est aussi conscient de la précarité qui touche les animateurs hors fonction publique : « Ceux qui travaillent en colonie, c’est compliqué. T’es là, tu travailles 24 heures sur 24, pour être payé même pas 30 euros par jour. » (...)

Ce régime d’exception, et cette rémunération dérisoire, est permis grâce au contrat d’engagement éducatif (CEE), notamment utilisé par les organismes de vacances. Il prévoit une rémunération journalière minimum équivalente à 2,20 fois le Smic (soit 23,06 euros brut). Un dispositif contre lequel se battent aussi les grévistes. (...)

Depuis 2018, les textes prévoient moins d’encadrants

Le syndicaliste souhaite enfin, comme bien d’autres, que le gouvernement revienne sur la réforme des taux d’encadrement en périscolaire. Avant 2018, il fallait 1 animateur pour 8 enfants en maternelle et 1 pour 12 en élémentaire. Aujourd’hui, c’est 1 animateur pour 10 enfants en maternelle et 1 pour 14 en élémentaire (si la période est inférieure à 3 heures, le taux passe à 1 pour 14 en maternelle et 1 pour 18 en élémentaire).

« En réduisant le taux d’encadrement, on ne fait que détériorer la qualité de l’accueil des enfants, et accentuer la fatigue et la lassitude que ressentent les animateurs », conclut Joël Saint-Viteux.

Les organisations syndicales ont été reçues le 18 novembre par Benoît Coquille, conseiller en charge des politiques d’éducation populaire du cabinet de Sarah El Haïry. (...)

Le conseiller a annoncé le lancement prochain d’assises de l’animation, afin de faire le point sur le secteur et le réformer pour s’adapter aux problématiques modernes. « Les organisations syndicales n’y sont pas conviées pour l’instant », tient toutefois à préciser Ghislaine Le Divechen. Les syndicats interrogés par Mediapart préviennent que la mobilisation ira crescendo en décembre.