
Le projet de loi contre les violences sexuelles, débattu au Sénat ce mardi, voulait éviter que ces viols soient jugés comme de simples délits. Il risque au contraire d’accroître cette dérive.
Plus précisément, ce projet visait à permettre à la justice de qualifier de crime de viol les relations sexuelles avec pénétration commises par des majeur.e.s sur de jeunes mineur.e.s (moins de 15 ou moins de 13 ans) afin de faciliter le travail des juges et éviter cette « correctionnalisation ». Le crime de viol (jugé aux assises) ne devrait plus être disqualifié en un simple délit d’agression sexuelle (jugé en correctionnelle). Au final, la rédaction proposée par le gouvernement et retravaillée par l’Assemblée n’empêchera nullement que des cas tels que Pontoise ou Melun se reproduisent, bien au contraire, suscitant ainsi de très vives réactions de la part des associations militant pour la défense des droits des femmes, celles qui défendent les enfants, et plus largement de toute la société civile.(...)
La correctionnalisation des faits de viol est un phénomène massif – on évoque un taux de 60% à 80% de correctionnalisation des viols – auquel doivent faire face les victimes, mineures comme majeures, et pose de réels problèmes. Les causes sont nombreuses : notre système judiciaire est à bout de souffle, la justice criminelle manque de moyens et transformer le crime en délit permet de juger l’affaire plus rapidement. Les victimes de viol sont ici la variable d’ajustement de nos politiques judiciaires.(...)
Pour autant, aucun juge ne requalifierait un meurtre en de simples blessures physiques ! Mais pour le viol, c’est possible. Surtout quand l’affaire s’éloigne des images stéréotypées du viol, dans une ruelle sombre, par un inconnu violent, et se confronte alors au risque d’une absence de poursuite(...)
Mieux condamné certes, mais mal qualifié : un viol deviendra une atteinte sexuelle. Le texte aboutira à une situation contraire à l’intention initiale. Ce texte en l’état n’est pas acceptable.(...)
Les correctionnalisations nuisent profondément à la reconstruction des victimes qui voient les faits disqualifiés. Il est temps d’arrêter la fiction judiciaire qui transforme les viols en agressions et faire coïncider la vérité judiciaire avec la vérité humaine. Le Conseil d’Etat et le Défenseur des droits ont souligné les risques d’inconstitutionnalité de différentes propositions dont celle du gouvernement qui souhaitait au départ criminaliser automatiquement toute relation sexuelle commise sur un mineur de moins de quinze ans. Pour assurer une meilleure reconnaissance des victimes de viol, tout en respectant nos principes fondamentaux, la voie est donc étroite. Mais elle n’est pas impossible.(...)
Il serait inacceptable qu’après l’adoption de la loi, il y ait une nouvelle affaire Pontoise ou Melun. Le message adressé à l’opinion serait désastreux pour les victimes, qui verraient la question de leur consentement débattue sur la place publique. Or la rédaction actuelle du texte n’offre aucune garantie et favorise ce qu’elle entendait combattre. Nous espérons que le Sénat et le gouvernement réagiront avec force et cohérence.