
Alors que le Parlement examine mardi la proposition de loi de Gabriel Attal durcissant la justice des mineurs, Mediapart s’est procuré une évaluation confidentielle des CEF, ces centres où sont placés les adolescents les plus durs. À l’arrivée : un taux « élevé » de réitération des faits.
Face à la délinquance des mineur·es, c’est l’un des paris les plus fous d’Emmanuel Macron – fou sur un plan budgétaire autant qu’éducatif. Dès 2018, le chef de l’État s’est engagé dans un plan de construction « monstre » de vingt-deux centres éducatifs fermés (CEF), ces « micro »-établissements de douze places réservés aux adolescent·es les plus dur·es, souvent présentés comme la dernière alternative avant la prison. Objectif revendiqué : « Mieux prévenir les risques de récidive. »
Jusqu’ici, pourtant, il était impossible de connaître l’efficacité de ces structures, qui mobilisent des personnels à la pelle et pèsent toujours plus sur le budget de la justice, avec un coût de fonctionnement unitaire de plus de 2 millions d’euros par an. Et un investissement initial de 6 millions d’euros « pièce ».
Dès 2023, la Cour des comptes s’alarmait ainsi d’un plan dispendieux « engagé sans étude d’impact préalable », et « justifié par une efficacité supposée mais non démontrée, en matière de récidive ». (...)
Loin de freiner cet emballement, la proposition de loi de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineur·es, en cours d’adoption au Parlement, pourrait renforcer encore le poids des CEF (...)
En l’état, elle autorise les magistrat·es à envoyer des adolescent·es en CEF non plus seulement pour des longs séjours, mais aussi pour quelques semaines, voire quelques jours, au prétexte de provoquer un « choc » chez ces mineur·es.
Introduite par la droite sénatoriale, cette mesure ultra-répressive dit tout le pouvoir d’attraction politique des CEF : ils n’en finissent plus d’être considérés, à droite notamment, comme l’alpha et l’oméga des dispositifs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), cette branche de la justice chargée d’accompagner les mineur·es mis·es en cause pour des crimes ou des délits. Celle-ci dispose pourtant de bien d’autres types d’hébergements plus ouverts, ou de modalités d’accompagnement au domicile des parents, mais sacrifiés sur l’autel du développement des CEF.
Or, d’après nos informations, le ministère de la justice garde sous clef, depuis des mois, une évaluation « inédite » des CEF existants – une vingtaine gérés en direct par la PJJ, plus une trentaine confiés à des associations privées. Peut-être parce qu’elle présente des conclusions peu engageantes ? En tout cas, parmi les jeunes placés, « le taux de réitération est particulièrement élevé », y lit-on. Et « le projet d’insertion élaboré en CEF se concrétise dans une minorité de cas ».
Un an après, 10 % des jeunes en prison. (...)
Chez les autres, 6 % sont « en situation d’errance ». Et un an après, 40 % sont « sans activité », contre 17 % seulement « scolarisés » ou 16 % « dans une structure d’insertion » (gérée par la PJJ ou des associations habilitées). Ce bilan conduit les auteurs à parler de « la fréquente mise en échec des solutions d’insertion mises en place dans le cadre des projets de sortie de CEF ».
L’amélioration […] des soins pour les jeunes de la PJJ est un enjeu majeur. (...)