
Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste et consultante en bioéthique, accompagne des couples hétéros et homos depuis trente ans dans des parcours d’adoption ou d’assistance médicale à la procréation (...)
(...) Oui, le modèle familial « père, mère, enfant », le modèle PME, est bien une construction culturelle. Ma première formation, c’est l’anthropologie. Depuis une vingtaine d’années que je travaille sur le sujet, je suis retournée à mes sources. Des anthropologues comme Françoise Héritier (...) confirment qu’il s’agit de quelque chose de culturel, qui n’est pas un modèle général dans toutes les cultures et dans tous les temps. Mais ce qui fait famille, c’est l’arrivée d’un enfant. Un enfant a été engendré et/ou élevé par des procréateurs, qui ne sont pas forcément les parents, mais il y a toujours eu des parents. Le psychanalyste anglais Donald Winnicott dit qu’un enfant tout seul, un bébé tout seul, ça n’existe pas, car s’il est tout seul il meurt. Il a besoin de bras dès qu’il sort du ventre de la mère, de bras qui ne sont pas forcément ceux de la mère, mais il a besoin de bras pour vivre. À la différence des autres mammifères, comme un petit poulain ou un petit veau qui se débrouillent tout seuls dès la naissance, qui vont téter le sein de leur mère tout seuls. Le nourrisson humain non. La famille commence là. Qui s’occupe de ce nourrisson qui débarque ? (...)
La vraie question n’est pas l’homosexualité ou l’hétérosexualité, mais plutôt celle de la filiation. Qui est l’enfant de qui ? D’où vient l’enfant ? Est-ce que l’origine, c’est la filiation, l’ADN, la biologie, ou est-ce que l’origine, c’est plutôt quelque chose de l’ordre de l’histoire ? (...)
Depuis vingt ou trente ans, nous faisons appel à des donneurs pour les couples hétérosexuels infertiles. Ces donneurs sont des humains qui acceptent de donner du sperme ou des ovocytes de manière bénévole. Ces gens ne sont pas des étalons, ni des produits de laboratoire, mais de vraies personnes. Les receveurs sont, eux, des couples à qui l’on dit qu’ils reçoivent un don anonyme. Au départ, ils sont contents, ça les arrange. Quant aux enfants nés d’une insémination artificielle – les plus vieux sont aujourd’hui adultes –, ils se posent des questions. Ils ne cherchent pas un père, ils veulent savoir pourquoi ils ont les cheveux bruns, pourquoi ils ont de l’eczéma… Ces questions se posent pour l’adoption, mais la loi française permet désormais à ceux qui le souhaitent d’avoir accès à leur dossier d’origine dès la majorité. S’il n’y a rien dans le dossier, OK, mais s’il y a le nom des parents de naissance, on le dit. Pour certains, cela suffit. D’autres cherchent, et trouvent. En général, cela leur suffit de discuter avec leur mère ou leur père biologique, qui leur explique le pourquoi de leur abandon. Cela les conforte dans le fait que leurs vrais parents sont les parents qui les ont adoptés. Il n’y a rien de dangereux.
Vous réclamez donc cette même transparence pour les dons exercés dans le cadre d’une PMA ?
Geneviève Delaisi de Parseval. Oui. Ce que je veux dire, c’est que nous ne sommes pas des produits de ferme. Un sujet humain, né d’un homme et d’une femme, a besoin de savoir cela. Surtout, il est anormal qu’une institution le sache et ne vous le dise pas. Ces questions se posent pour le donneur, pour les parents et pour l’enfant. Ces gens se sont exprimés devant les députés pendant dix ans sans avoir été entendus (...)
L’expérience de pays comme la Grande-Bretagne ou la Suède, qui ont levé l’anonymat, montrent que d’autres donneurs se présentent, mieux informés, plus réfléchis, et qui assument qu’à la majorité de l’enfant ou vers ses trente ans, quand il deviendra parent, celui-ci pourra demander à les rencontrer. Et pourquoi pas ? C’est un acte généreux, positif, il n’y a aucun droit ni devoir affairant à la paternité ou maternité. Les paillettes de sperme ne sortent pas d’un laboratoire, ni d’une pharmacie. Les ovocytes viennent de femmes qui ont trimé pour ça. Ce n’est pas comme du sperme. Il faut faire une induction d’ovulation (sorte de stimulation – NDLR). Respectons ces femmes. Que tout cela soit transparent, sans réification de personne. Au final, nous avons affaire à des gens qui veulent des enfants, il n’y a selon moi pas de danger. Pensons simplement aux enfants qui veulent savoir de qui ils sont nés. Le danger, c’est le silence et le secret.