
Le 11 juillet, la gendarmerie et les services de l’État ont interrompu en urgence la colonie de vacances Laissez-les servir, à Choisel, dans le 78, et mis son directeur en garde à vue. Les encadrants de cette colonie destinée à des jeunes considérés comme graines de délinquants, auraient commis des violences sur les adolescents. Une mère a porté plainte. Présumé innocent, le directeur du camp nie tout acte de violence.
(...) Le sort de l’association dépend désormais de la décision du Procureur de la République, car en plus de la fermeture de la colo décidée par arrêté préfectoral, le parquet de Versailles a ouvert une enquête à la suite d’une plainte de la mère de deux jeunes participants à la colo pour des violences sur mineurs. (...)
Dans le cadre de cette enquête, Nourouddine Abdoulhoussen est présumé innocent. Son avocat rapporte que son client est tombé des nues, le 11 juillet, jour de l’intervention de la gendarmerie et des services de l’État : « Monsieur Abdoulhoussen a été réveillé dans son lit. Il a été sous le choc et abasourdi par tant de violence. Il n’est pas habitué à ce type de procédures ! Il n’a pas résisté et a même été coopératif et à l’écoute des gendarmes et de la Jeunesse et Sport qui les accompagnaient ! »
Dix véhicules de gendarmerie
Le camp de Choisel est un classique de l’association Laissez-les servir. Chaque année, vêtus de treillis militaires, des jeunes de Pierrefitte (93) et d’ailleurs, envoyés par leurs parents ou par l’aide sociale à l’enfance, viennent y vivre un séjour de « recadrage républicain » au vert, au cœur de la vallée de Chevreuse. Le terrain, qui accueille aussi le bivouac du pèlerinage de Chartres, est gracieusement prêté par Étienne de Gourcuff, propriétaire de la Jardinière de Chevreuse.
Pour 120 euros par jour et par enfant, l’association propose toutes sortes d’activités, dans un registre militaire, historique et même religieux : levée du drapeau au petit matin, apprentissage de l’alphabet militaire, entraînement au tir au airsoft, ces répliques d’armes à feu qui propulsent des petites billes, visite de châteaux ou de cathédrales, messes … La veillée « raid-commando » est le temps fort du séjour.
L’association est financée par la Région Île-de-France, la caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis – ses locaux sont situés dans la ville socialiste de Pierrefitte. L’opération “Laissez-les servir” a vu le jour en 2005 au sein de l’association des officiers de réserve du 93, avant de devenir une association indépendante en 2016. En 2018, elle reçoit 40 900 euros de dons au cours de la Nuit du Bien commun, un gala de charité organisé par le millionnaire d’extrême droite Pierre-Edouard Stérin. (...)
Suspension en urgence du directeur
Mais ce fameux matin du 11 juillet, les gendarmes n’étaient pas seuls à la lisière du champ. À leur côté, deux fonctionnaires du service départemental à l’engagement, à la jeunesse et au sport (SDJES) des Yvelines. La notification d’interruption du séjour prise par le préfet, en vertu d’articles du Code de l’Action sociale et familiale, faisait suite à un contrôle inopiné effectué le 10 juillet, sans lien avec la plainte de Véronique.
Contactée, la préfecture des Yvelines nous a fait part, par mail, de « manquements graves aux règles d’hygiène alimentaire et de conservation des denrées, présentant un danger pour la santé des mineurs ». La préfecture indique avoir constaté des « risques pour la sécurité physique », liés à « des installations et équipements inadaptés et dangereux, susceptibles de causer des blessures aux mineurs ».
Enfin, des « risques pour la sécurité morale et mentale des jeunes » : « un encadrement et des pratiques éducatives inappropriés, avec des comportements, discours et activités pouvant porter atteinte à l’intégrité morale des mineurs ». Celle de Seine-Saint-Denis ajoute : « Compte tenu du fait que le siège social de l’association est établi à Rosny-sous-Bois, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris, en date du 16 juillet 2025, deux arrêtés de suspension en urgence à l’encontre du directeur et de la directrice adjointe de la structure. Une enquête administrative est en cours pour faire toute la lumière sur les dysfonctionnements observés et déterminer les suites à donner ». (...)
Le 11 août 2025, la région Île-de-France nous informe qu’elle suspend la subvention de 45 000 euros, accordée à l’association en 2024, précisant attendre de la direction de l’association « des explications sur les circonstances qui ont conduit à ces arrêtés de suspension ». Elle indique aussi qu’un audit « sera mené afin d’évaluer les conditions d’utilisation des fonds publics qui ont été alloués à l’association ». La région Île-de-France a attribué 15 000 euros à Laissez-les servir en 2018 et 2019, puis 45 000 euros en 2020, 2021, 2023 et 2024. (...)