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Le cri d’alerte de paysans brestois menacés par l’extension urbaine
Article mis en ligne le 27 avril 2019

Philippe et Valérie, agriculteurs bio à Brest, font face à l’étalement urbain. Des parcelles qu’ils louent à la mairie sont destinées à accueillir un écoquartier. Après négociations, une partie des terres perdues ont pu être compensées et des baux ruraux devraient bientôt être signés.

« Nous ne sommes pas opposés à la construction de l’écoquartier mais nous sommes contre la diminution des terres agricoles » (...)

L’exploitation familiale vend chaque année à une coopérative 170.000 litres de lait bio. Le troupeau de 45 vaches sort tous les jours de l’année, et il est nourri grâce aux cultures de betteraves et de céréales. Rejetant tout repli identitaire ou réflexe passéiste, la ferme se dit volontiers de la ville. Elle le revendique au nom d’une culture qui n’a rien de végétal : celle du lien entre les gens. Valérie et Philippe, cogérants, ont depuis longtemps fait le choix de travailler en harmonie avec la population locale. Ils fournissent des yaourts bio aux écoles brestoises (ils transforment depuis 2010), accueillent pour des visites pédagogiques, privilégient les circuits courts et la vente directe, une fois par semaine. Leur savoir-faire va dans le sens d’une agriculture raisonnée et extensive, tout en étant économiquement viable. Écologiste, le couple enseigne et pratique en prosélyte partage et respect de la nature ; et prône le retour à la terre comme solution à la frénésie de la société de surconsommation. Cela serait peut-être resté dans l’intimité du lieu s’il n’y avait pas eu à le crier haut et fort pour la survie de la ferme, en 2017. (...)

Il y a deux ans, leur exploitation a dû rendre une partie de ses parcelles à la ville de Brest, qui souhaite aménager un nouvel écoquartier, à proximité du corps de ferme. (...)

« Nous ne sommes pas opposés à la construction de l’écoquartier mais nous sommes contre la diminution des terres agricoles. Ce projet urbain aurait pu se faire avec une meilleure compréhension de notre travail et de nos objectifs de production. » Les agriculteurs ne sont propriétaires que d’une dizaine d’hectares autour du corps de ferme. Une cinquantaine d’autres sont loués, dont, certains, à la métropole brestoise, via une convention d’occupation précaire annuelle, renouvelable. (...)

Leur cri d’alerte a été entendu à Brest et bien au-delà. Soudainement, ce petit coin de campagne, joyau patrimonial pour les citadins qui viennent y chercher leurs légumes, yaourts et viande bio, et vérifier, au cas où, dans la salle de traite, que le lait vient bien de la vache, est devenu un site iconique du nord du Finistère. Un collectif de soutien s’est créé, rejoint par le groupement des agriculteurs biologiques du Finistère (le GAB 29).
« L’économie ne donne pas raison aux paysans. Le foncier agricole se réduit comme peau de chagrin »

Depuis le début des travaux, la ferme s’adapte aux évolutions du chantier et produit avec des parcelles éparpillées dans les interstices que veut bien laisser la ville. (...)

« Au-delà du sauvetage d’une ferme bio, cette mobilisation a reposé sur de réels choix pour l’avenir, dit l’agriculteur. L’économie ne donne pas raison aux paysans. Le foncier agricole se réduit comme peau de chagrin. Comment allons-nous nourrir nos enfants si nous laissons les villes le grignoter petit à petit ? » Villes qui engloutissent, selon les chiffres de la Fédération nationale des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), l’équivalent d’un département tous les six ans. (...)

En mars, le bureau de la métropole a voté, à l’unanimité, l’approbation de la signature de baux ruraux avec l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Traon Bihan, pour l’équivalent de 16 hectares. Un accord avait été signé en septembre, après de longues négociations, mais le couple s’estime perdant. (...)

« Une partie seulement des terres perdues nous a été compensée [7 hectares], par des terrains non bio, cédés par un agriculteur voisin. » Dans l’idéal, et quitte à signer des baux ruraux, le père de famille souhaiterait que ceux-ci incluent des clauses environnementales, afin de pérenniser ses terres. (...)