
Dans un ouvrage traduit plus de vingt ans après sa parution, Carole Pateman s’interroge sur l’exclusion des femmes dans les théories classiques du contrat social. Dévoilant le lien qu’il entretient avec le travail, le mariage ou la prostitution, elle montre que tout contrat fonctionne comme un instrument de subordination des femmes, jusque dans leur apparente émancipation moderne.
Le Contrat Sexuel, paru aux États-Unis en 1988, est une relecture critique des théories classiques du contrat social et entend interroger les raisons et les implications, tant théoriques que politiques, de l’exclusion des femmes hors du contrat social originel. Cette relecture ne vise cependant pas à compléter ou à aménager les théories contractualistes de manière à en faire des outils théoriques utiles dans la perspective de l’inclusion ou de l’émancipation des femmes. Plus radicalement, Pateman cherche à montrer que le schème du contrat, tel qu’il a été initialement élaboré par Hobbes, Locke ou Rousseau pour penser l’instauration d’une association politique légitime, et tel qu’il demeure présent dans les sociétés libérales contemporaines, comme outil de représentation de la société juste et comme une institution sociale centrale régulant aussi bien le mariage que l’emploi, est un schème intrinsèquement patriarcal, qui doit être abandonné si l’enjeu est d’instaurer une société libérée de la domination masculine.
Dans ce classique de la pensée féministe, la philosophe Carole Pateman argumente en faveur d’une rupture avec l’une des traditions politiques les plus influentes de la modernité, mais sa critique ne prend pas simplement pour cible le contrat social : elle vise plus largement le concept de contrat lui-même, et l’idée selon laquelle une société juste serait une société dans laquelle l’ensemble des relations sociales seraient régulées par le biais de contrats entre individus libres et égaux. (...)