
Pour lutter contre l’inflation, le gouvernement présente jeudi 7 juillet son projet de loi sur le pouvoir d’achat. Parmi elles, le chèque alimentaire. Un dispositif critiqué par les syndicats agricoles et certains collectifs d’aide alimentaire.
Cent euros par foyer. Cinquante euros par enfant à charge. Voici le montant du chèque alimentaire que le gouvernement prévoit de verser sur le compte bancaire des 9 millions de foyers les plus précaires en septembre prochain. Le but : aider les familles en difficulté à mieux se nourrir face à une inflation galopante : +5,8 % en juin 2022, selon l’Insee.
Ce chèque alimentaire, présenté comme un cadeau aux plus pauvres, est sur la table depuis des années. Plus précisément, depuis la Convention citoyenne pour le climat. (...)
Les aléas du chèque alimentaire
Inscrit dans la loi Climat et Résilience, le dispositif n’avait encore jamais été appliqué. « Pourquoi Bercy bloque ? Parce que le chèque a un coût, tout simplement », avait expliqué Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), lors d’une conférence de presse le 7 juin. Le syndicat agricole majoritaire plaide depuis plusieurs semaines pour un mécanisme plus pérenne permettant d’acheter « n’importe quel produit alimentaire, brut ou transformé, d’origine animale ou végétale. Et d’encourager l’achat de produits locaux ayant des garanties solides sur l’origine ».
Il dénonce également la politique des prix alimentaires tirés vers le bas qui n’ont pas empêché l’explosion de la faim. Selon un rapport de l’Insee publié le 28 juin, entre 2 et 4 millions de personnes font appel aux associations d’aide alimentaire en métropole. Plus de la moitié d’entre eux en bénéficient depuis moins de deux ans. En cause, la crise sanitaire, la baisse des revenus et la hausse des dépenses. (...)
Ainsi, un nouveau public s’est tourné vers les distributions de colis. (...)
le chèque alimentaire est une « opération de communication qui masque le fait que le gouvernement est responsable de la casse sociale de ces cinq dernières années ».
Manger, quels que soient les produits ?
Sur la place du Châtelet, au cœur de Paris, le collectif Entraides citoyennes distribue des repas chauds tous les samedis soirs, cuisinés à partir de nourriture récupérée. « Auparavant, nous n’avions que des gens qui vivaient dans la rue. Désormais, on voit des personnes qui ont un logement, qui travaillent, mais aussi beaucoup d’étudiants », raconte Ourdia Farge, la présidente du collectif.
Les jeunes sont de plus en précaires. Une réalité révélée au grand jour durant la pandémie avec les interminables files d’attente devant les distributions de nourriture organisées par l’association Linkee. Deux ans après, rien n’a changé. (...)
En coulisses, la grande distribution fait pression pour que le chèque permette de remplir son caddie, quels que soient les produits. « Un chèque alimentaire, c’est pour aider les gens qui ont peu d’argent, ceux qui [achètent] chez nous », assurait Michel-Édouard Leclerc, patron des enseignes du même nom, sur BFMTV.
Pour une Sécurité sociale de l’alimentation
Emmanuel Marie, paysan boulanger dans le Calvados, est secrétaire national de la Confédération paysanne. Il a participé aux réunions ministérielles à ce sujet : « L’État veut redonner du pouvoir d’achat afin que les consommateurs puissent continuer d’aller dans les grandes surfaces, dit-il. Il met au pot pour continuer à faire tourner la machine. Et lorsqu’on arrive avec une proposition de politique plus universelle pour sortir les prix agricoles du marché, nous faisons face à une barrière idéologique infranchissable. »
La Confédération paysanne est en effet membre du collectif pour une Sécurité sociale de l’alimentation. Une initiative visant à créer une carte vitale de l’alimentation donnant accès à des produits conventionnés pour un montant de 150 euros par mois et par personne. (...)
Ce collectif souhaite ainsi enclencher une bifurcation du modèle agricole actuel qui permettrait de mettre fin à la précarité des mangeurs comme des producteurs. Une réponse macroéconomique plus efficace et plus universelle qu’un très ponctuel chèque alimentaire.