
Parmi les singularités du Monde diplomatique, il en est une que la lecture seule ne suffit pas à discerner : la disproportion entre la popularité d’un journal imprimé chaque mois à plus de deux millions quatre cent mille exemplaires — diffusés dans quatre-vingt-douze pays en langue française et, grâce à ses éditions internationales, en vingt-sept langues étrangères — et le caractère presque artisanal de son mode de production ;
le décalage entre l’image parfois altière d’une publication qui s’emploie depuis des décennies à maintenir l’exigence d’une presse indépendante, curieuse du monde, émancipatrice, et le travail quotidien d’une petite équipe de vingt-sept personnes qui s’attache à fabriquer chaque numéro dans les règles de l’art, à l’heure où tant de journaux suppriment les emplois de correcteur, de documentaliste, de photograveur. Dans le paysage médiatique, Le Monde diplomatique demeure une anomalie. Ses lecteurs aussi. (...)
Un nombre croissant de titres rivalisent à qui publiera le dernier sondage inutile, l’écho scabreux qui « fait du buzz », l’éternel « débat » entre experts ou essayistes de compagnie. Nous ne sommes pas fatigués, nous, d’aller voir, d’analyser, de rendre compte. Ces mots signifient autre chose à nos yeux qu’une concurrence asséchante, le plagiat et la connivence, le copier-coller de l’air du temps. Pontifier sur la mondialisation est évidemment plus facile (et plus économique) que de l’analyser en y consacrant enquêtes et reportages. Journal décidément singulier, Le Monde diplomatique continuera d’accorder une place prioritaire à l’information internationale et financière. Et y consacrera les moyens nécessaires.
(...) Wikio