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Lanceurs d’alerte : les députés vont-ils réparer le massacre du Sénat ?
Article mis en ligne le 8 novembre 2016

Le statut des lanceurs d’alerte, inclus dans la loi Sapin 2, a été décimé par le Sénat. L’Assemblée aura fort à faire aujourd’hui pour lui rendre son ambition, alors que les scandales comme le Mediator ou LuxLeaks ont pourtant démontré combien l’action de ces citoyens était utile pour révéler des pratiques scandaleuses, voire dangereuses.

Après Irène Frachon dévoilant le scandale du médicament Mediator, après Antoine Deltour révélant les petits arrangements fiscaux des multinationales au Luxembourg via le cabinet PWC, après Nicolas Forissier dénonçant un système d’évasion fiscale organisé par la banque UBS (et ce ne sont que les derniers exemples les plus médiatisés), on pensait la cause des lanceurs d’alerte entendue. Ecouter et protéger ces vigies de la démocratie, dont la vie peut parfois être broyée pour avoir eu simplement le courage d’agir en citoyens, paraît d’évidence et Michel Sapin a donc incorporé dans sa grande loi de lutte contre la corruption en préparation un chapitre sur les lanceurs d’alerte.

Cependant, le vieux complexe de Vichy, donne mauvaise réputation, en France, à la dénonciation, même vertueuse. Et les entreprises, qui n’apprécient pas l’idée de trublions déstabilisant leurs affaires, ont fait un lobbying tenace. Résultat, au bout d’un marathon législatif de près de neuf mois, les bonnes intentions initiales du projet de loi et les améliorations apportées par l’Assemblée ont été balayées par le Sénat, dans un brutal durcissement, lors de son vote du 3 novembre, qui a tout bonnement ruiné le statut des lanceurs d’alerte. (...)

Rien n’est fixé pour autant puisque le texte revient à l’Assemblée ce 8 novembre, or c’est elle qui a le dernier mot. (...)

une pétition de 77000 signatures a été remise le 7 novembre au ministre des Finances pour exiger un statut global et protecteur des lanceurs d’alerte. Autre initiative, un collectif d’une dizaine de lanceurs d’alerte a envoyé une lettre ouverte à l’Assemblée nationale pour appeler à rétablir le sens initial du projet de loi. (...)

Pas de quoi donc améliorer le sort des lanceurs d’alerte, au destin pourtant parfois dramatique, tels Raphaël Halet (LuxLeaks), ou Stéphanie Gibaud (UBS) qui, en se risquant à dénoncer un méfait dans leur entreprise, ont récolté le chômage et la ruine. Le cas de Nicole Marie Meyer montre que le public n’est pas plus vertueux que le privé : après 26 ans dans la fonction publique, elle a perdu son poste en 2004 pour avoir rendu à sa hiérarchie deux rapports sur des dysfonctionnements dans son service (soupçon de détournement de fonds, faux en écriture publique, abus de biens sociaux). Il a fallu deux jurisprudences en sa faveur pour qu’elle reçoive les "regrets" du Quai d’Orsay en 2009 sans pour autant être réintégrée (pas de loi). Elle a donc été 4 ans aux minima sociaux post-chômage et a dû vendre ses biens avant d’être finalement employée par Transparency pour défendre la cause de ses pairs !

« Si la loi passait en l’état, ce serait une régression terrible, le dispositif serait quasi fantôme, alors que d’autres pays, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Suède ont mis en oeuvre des législations avancées », déplore Nicole Marie Meyer, qui s’alarme particulièrement de mesures qui pourraient être abandonnées dans la bataille, comme l’avance des frais de justice aux lanceurs d’alerte et la sanction d’actions d’entrave et représailles à leur encontre.

Les députés, qui devront voter le texte définitif ce 8 novembre, sont en tout cas mis là face à leurs responsabilités.