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La valeur de la vie humaine ... ou les marchandages obscènes des petits boutiquiers de l’existence.
2004
Article mis en ligne le 18 avril 2020
dernière modification le 17 avril 2020

La question de la valeur que peut revêtir chacun de nous se pose en permanence : combien vaut le temps que je consacre à mon travail, que je loue à mon patron, combien valent mes compétences, ma formation ou ce talent précis ? Dans une économie de marché où tout s’achète tout se vend, tout a valeur marchande, même l’amour peut être tarifé. Mais personne ne se pose la question de savoir combien vaut réellement sa vie, tant cette idée est incongrue au premier abord. On sent bien que nous ne sommes pas foncièrement égaux devant le pouvoir de l’argent

La nécessité d’une valeur de la vie humaine

Ceux que nous appelons couramment les décideurs, hommes d’affaires, hommes politiques, services administratifs procèdent tous les jours à des arbitrages dont beaucoup reviennent à des décisions de vie ou de mort pour les populations impliquées. Ainsi, tout ce qui est normes de sécurité, dans la construction, les transports, revient à choisir quelle part de risques est assumé collectivement et quelle part est à la charge de la population. Une société où les normes de sécurités sont strictes et de niveau élevé sous-tend une valeur collective de la vie humaine élevée. A contrario, une société peu réglementée revient à renvoyer la gestion du risque aux individus, la valeur de la vie de chacun étant relative à sa capacité financière à la protéger. C’est plutôt la démarche des assureurs.

Les plus demandeurs en terme de valeurs de la vie humaine sont les décideurs dans le domaine des transports. Leur méthode consiste à procéder à des arbitrage en terme de sécurité et de nuisances selon la méthode purement économique coûts/avantages (...)

La détermination d’une valeur de la vie humaine a un intérêt certain : celui de rendre le non-respect de l’intégrité physique des personnes plus coûteux que son observance. C’est ainsi, que pour l’instant, on évite la banalisation d’affaires comme celle du sang contaminé, de l’hormone de croissance ou de la vache folle. Il reste encore économiquement peu rentable de tuer des gens pour faire des économies. D’où la mise en place du principe de précaution. Et c’est peut-être là la dernière barrière avant la barbarie économique… pour combien de temps ? (...)

Comme toujours, mieux vaut être jeune riche et en bonne santé que vieux, pauvre et malade. Mieux vaut aussi vivre dans un pays qui a une politique de santé publique.

Ainsi, aujourd’hui, la vie d’un enfant en Afrique ne vaut même pas les 2 euros nécessaires pour le sauver du paludisme qui reste aujourd’hui la maladie la plus meurtrière de la planète.[9]
Une année de survie pour un malade du sida aux Etats-Unis vaut plus de 10000 $, le coût du traitement financé par la collectivité, alors que l’année de survie d’un Africain du Sud ne vaut pas les 300 $ que coûteraient les soins dans son pays (...)

Mais au delà de la question des arbitrages de la rentabilité des soins, nous entrons réellement dans le monde des boutiquiers quand il s’agit de l’estimation coûts-avantages de la prévention en santé publique.

Ainsi, qu’est ce qui coûte le moins cher ? (...)

La tendance, aujourd’hui, c’est de prôner l’équilibre par le marché, et de s’interroger sur la supériorité des profits des entreprises sur la valeurs des vies humaines que leurs mauvaises pratiques nous coûtent : le coût des réglementations sur les bénéfices des entreprises est-il justifié par quelques morts ? (...)

Ces calculs savants qui tentent de justifier la marchandisation de la vie humaine ne parviennent pas à cacher leur objectif final : promouvoir la supériorité absolue du profit sur toute autre considération. L’argent vaut finalement plus que sa propre valeur (système d’échange de biens entre les hommes), il est devenu la finalité d’un monde sans âme, qui ne s’émeut même plus de la mort injuste des plus faibles d’entre nous, pour une poignée de pièces.
L’argent devient le maître étalon suprême. Une personne n’a plus de valeur par elle-même, par ses actions, ses paroles, ses pensées. Nous ne sommes plus que des marchandises, des morceaux de viandes que l’on négocie au prix de gros.

Et pourtant… pendant que je lisais tous ces somptueux rapports, ces magnifiques théories économiques, ces calculs de petits avares mesquins, je me demandais…
Quelle pourrait donc bien être la valeur d’un Abbé Pierre, d’une Sœur Emmanuelle, d’un Martin Luther King, et de toutes ces personnes qui appartiennent à notre mémoire collective et qui n’ont pas produit des biens, de l’argent, mais bien plus ?
Ce ne sont sûrement pas de petits boutiquiers qui pourraient nous le dire.