
L’arrêté qui définit les conditions d’utilisation des pesticides est en cours de réécriture. Les associations environnementales ont été écartées des discussions et craignent que le nouveau règlement soit moins protecteur que le précédent.
Dans le milieu, on l’appelle « l’arrêté phyto ». Un simple texte, bien bas dans la hiérarchie des normes, et pourtant primordial, car il fixe les règles d’utilisation des pesticides : à quel moment peut-on les épandre ? comment protéger ceux qui les utilisent ou ceux qui pourraient y être exposés ? etc. Le texte actuellement en vigueur existe depuis 2006.
Mais en juillet dernier, une décision de justice a imposé son abrogation dans les six mois pour une raison de procédure (le gouvernement n’avait pas consulté l’Union européenne). Depuis, c’est la course : faute de nouvel arrêté, à partir du 6 janvier 2017, la France n’aura plus de règlement sur l’application des produits phytosanitaires. Il faut donc écrire ce nouveau texte réglementaire rapidement.
« Cet arrêté nous semblait totalement incompatible avec le métier d’arboriculteur », s’est félicité l’Association nationale pommes poires (ANPP), à l’origine de la procédure qui a permis l’abrogation du texte de 2006. Elle défend un allègement des contraintes dans le nouvel arrêté.
À l’inverse, du côté des associations de défense de l’environnement, on oscille entre craintes et espoir : « Craintes de voir cet arrêté raboter encore sur la question de la protection de l’environnement et des personnes exposées. Espoir de voir sa révision permettre une mise à plat de la situation », résume Générations futures dans un communiqué. Alors, le texte de 2016 sera-t-il plus protecteur de la santé que celui de 2006 ? (...)
les associations de la société civile ont été exclues des négociations autour du futur arrêté. À peine ont-elle obtenu un rendez-vous au ministère de l’Environnement, lundi 17 octobre.
Les discussions se déroulent au sein d’une instance dont elles ne font pas partie, et qui réunit les représentants des syndicats agricoles, des coopératives, des chambres d’agriculture, et les ministères de l’Environnement, de l’Agriculture et de la Santé. Il s’agit du Corena, ou comité de rénovation des normes en agriculture. Il a tenu depuis fin septembre trois réunions concernant l’arrêté phyto.
« C’est un comité établi à la demande de la FNSEA [Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, premier syndicat de la profession] », rappelle Emmanuel Aze, agriculteur en charge du dossier pesticides à la Confédération paysanne, syndicat d’opposition. « Le cadrage politique y est très clair : on ne doit pas faire mieux que le droit européen ni grever la compétitivité. »
« Si les petits cours d’eau ne sont pas protégés, cela ne sert à rien de protéger les grands »
Emmanuel Aze a pourtant participé à deux réunions de ce groupe de travail. Et ce n’est pas sa seule interrogation : « Ce qui est aussi très, très, problématique, c’est que l’on profite d’une abrogation de l’arrêté sur la forme pour le modifier sur le fond. On aurait pu le garder tel quel et simplement corriger la forme. Qui a décidé de le modifier sur le fond ? Cela s’est décidé dans l’opacité la plus complète. » (...)
Que va-t-il sortir de ces discussions ? Tout devrait se jouer dans le bras de fer entre ministère de l’Agriculture et ministère de l’Environnement. Ce dernier, qui plaide pour une amélioration de la protection face aux pesticides, semble en position de faiblesse. « Le ministère de l’Environnement avait l’air dépité lors de notre rendez-vous », note Nadine Lauverjat. De son côté, le ministère de l’Agriculture apparaît coincé par les pressions de la FNSEA. « Le ministère de l’Agriculture lui donne une position de force depuis cinq ans, ils n’avaient qu’à se questionner avant », déplore Emmanuel Aze.
Le résultat des négociations devrait être connu d’ici fin octobre. Ensuite, le décret sera soumis à consultation de l’Union européenne et du public, avant d’être enfin promulgué. (...)