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La Croix
La loi « secret des affaires », une épée de Damoclès sur l’information
Article mis en ligne le 22 juin 2018

Le Sénat a adopté définitivement jeudi 21 juin la proposition de loi transposant la directive sur le secret des affaires. L’opposition, qui voit dans cette loi une menace pour la liberté de la presse, déposera lundi 25 juin un recours devant le Conseil constitutionnel.

Que change le texte ?
La loi transposant la directive européenne sur le secret des affaires, qui avait suscité de vifs débats en 2016, a été définitivement adoptée le 21 juin par le Sénat, au terme d’une procédure accélérée (une lecture par chambre) et malgré les mises en garde d’une coalition d’ONG, de journalistes et de la société civile.

Le texte final, adopté en commission mixte paritaire (CMP) le 24 mai et voté jeudi 14 juin par l’Assemblée nationale (par 61 voix LREM et Les Républicains, contre 21 venues de la gauche), pose le principe que des informations à valeur commerciale considérées comme secrètes par des entreprises doivent être protégées. Toute personne qui obtiendrait, utiliserait ou publierait ce type d’information peut donc être poursuivie pour violation du secret d’affaires.(...)

Comme la directive, le texte prévoit des « exceptions ». En particulier que le secret des affaires puisse ne pas s’appliquer, si l’information a été obtenue ou divulguée pour exercer le droit à la « liberté d’expression et d’information ». En outre, la loi a pris en compte un amendement des opposants au projet (que le Sénat avait voulu supprimer) prévoyant des sanctions contre des procédures abusives intentées sur le fondement de cette loi.

Que reproche-t-on à cette loi ?
Le collectif Stop secret des affaires, qui regroupe une cinquantaine d’organisations de la société civile et une vingtaine de sociétés de journalistes et de syndicats, juge la définition retenue du secret des affaires « si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie », et les dérogations « trop faibles pour garantir l’exercice des libertés fondamentales ».(...)

Le collectif demandait que la loi se limite « aux seuls litiges entre entreprises » ou qu’elle exclue de son champ d’application la possibilité de porter « atteinte à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information », comme le stipule la directive, au terme d’une mobilisation européenne des médias et ONG.(...)

L’information peut-elle en pâtir ?
« Le dernier état du texte ne me paraît pas fermer définitivement la porte à des risques de procédures-baillons (consistant à multiplier les poursuites, ou simplement à menacer de le faire, pour intimider ou décourager), ou à des plaintes devant le juge civil, hostile à la presse », estime maître Basile Ader, avocat spécialiste des médias, vice-bâtonnier au barreau de Paris.

« Avec cette loi, on provoque l’autocensure dans les rédactions. Car même si les médias obtiennent gain de cause, le seul coût des procès est dissuasif, tant la dissension économique entre les parties est importante »(...)

C’est sur le fondement des libertés publiques (d’expression, de la presse) garanties dans le préambule de la Constitution, que trois groupes de l’opposition de gauche (GDR, NG, FI) déposeront lundi un recours devant le Conseil constitutionnel dans l’espoir de faire modifier la loi, estimant que « la liberté de la presse n’est pas soluble dans le code du commerce ».