
Directrice générale d’Oxfam France, Cécile Duflot écrit à Emmanuel Macron pour consacrer la dernière année de son mandat à la lutte contre les inégalités dans le pays. "La France ne peut pas être à contre-courant d’un tournant historique", explique l’ancienne ministre écologiste.
"Liberté, inégalités, fraternité" : ce pourrait être, selon Cécile Duflot, la nouvelle devise d’une France dans laquelle la pandémie de Covid-19 a creusé les disparités sociales. Dans une lettre ouverte publiée sur notre site, la directrice générale d’Oxfam exhorte Emmanuel Macron à "inverser la tendance" pour "éviter que les plus pauvres soient les grands perdants" du quinquennat. Voici son courrier.
"Monsieur le Président de la République,
Partout dans le monde, la pandémie de Covid-19 aggrave, comme jamais, les inégalités. En janvier dernier, Oxfam publiait des chiffres accablants : des centaines de millions de personnes risquent de rester enfermées dans la pauvreté pendant plus de 10 ans alors que, dans le même temps, les milliardaires de la planète ont retrouvé en 9 mois leurs richesses d’avant-crise, et que certains se sont même enrichis.
La France est loin d’être épargnée par la hausse des inégalités. Challenges vient de révéler que le patrimoine des plus grandes fortunes françaises a augmenté de 30 % pendant la crise, pour atteindre la somme record de près de 1 000 milliards d’euros. A côté de cet enrichissement exceptionnel, il existe une autre réalité : celle de l’augmentation de la pauvreté en France, comme le rappelle le récent rapport du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et les exclusions. Aujourd’hui en France, une personne sur 8 a besoin d’aide alimentaire pour vivre.
"Liberté, Inégalités, Fraternité", serait-elle devenue notre nouvelle devise ?
Nous ne pouvons pas accepter que ces deux mondes coexistent, c’est insoutenable. Les inégalités sont nuisibles à toutes et tous : elles sapent nos efforts dans la lutte contre la pauvreté, elles fracturent profondément nos sociétés, elles minent nos démocraties. (...)
Nous arrivons dans la dernière année de votre quinquennat, vous avez encore la possibilité d’inverser la tendance. La lutte contre les inégalités est un impératif aussi crucial que la lutte contre les changements/catastrophes climatiques. Ces deux combats sont profondément liés. (...)
Monsieur le Président, il y a eu un deux poids, deux mesures dans le "quoi qu’il en coûte" : des centaines de milliards ont été injectés sur les marchés financiers pour aider les plus riches mais moins de 1% du plan de relance est dédié à la lutte contre la pauvreté, quant aux mesures de chômage partiel, elles n’ont pas protégé les travailleurs précaires.
La crise du Covid-19 a aussi mis en lumière la nécessité et l’urgence d’une fiscalité plus juste. (...)