
L’enquête publiée par Amnesty International concernant l’accueil des réfugiés amène à s’interroger sur la situation à Calais, et le rejet réel ou supposé des exilé-e-s par « la population » ou une partie d’entre elle.
Jusqu’à l’automne 2013, on peut observer des signes de rejet, comme un vote Front national oscillant entre 15% et 30%, ou des pétitions de riverains, mais cela reste discret dans l’espace public. La politique de la municipalité est de plus en plus hostile. Mais ce qui s’exprime le plus dans l’espace public calaisien, c’est la solidarité avec les exilé-e-s, d’où la première priorité que s’est donnée la municipalité de réduire les espaces dans lesquels celle-ci peut s’exprimer.
Un premier pas pour que le rejet occupe l’espace public est franchi à l’automne 2013 à la fois dans l’affichage xénophobe de la municipalité, et avec l’apparition de la page facebook Sauvons Calais et les premières manifestations publiques de ce groupe se revendiquant anti-migrants et hostile aux personnes qui les soutiennent. On a eu à la fois une libération de la parole raciste, dans ses formulations les plus violentes, et une légitimation de l’hostilité manifestée par l’autorité municipale. Fait symbole de cette conjonction la poignée de main de deux adjoints à la maire aux manifestants de Sauvons Calais sur le perron de l’hôtel de ville.
Mais les liens entre Sauvons Calais et l’extrême-droite radicale et la violence qui suit son apparition rendent assez rapidement ce groupe infréquentable. Le relais est alors pris par un syndicat de policiers, Unité SGP Police Force Ouvrière, dont le responsable s’est déjà fait connaître en publiant sur internet des vidéos présentées comme illustrant la violence des « migrants ». Le syndicat appelle à une manifestation anti-migrants le 13 octobre 2014, qui pose les bases d’un « rejet honorable », à partir duquel un discours institutionnel pourra se généraliser, basé sur les critères prétendument objectifs, le danger pour l’économie et l’emploi, le nombre et l’agressivité. Discours qui est formulé de manière à faciliter les revirements d’attitude, « maintenant, ils sont trop nombreux, ce n’est plus possible », « les migrants ne sont plus comme avant, ils sont plus agressifs ». (...)
Face à cela existe un discours d’acteurs économiques qui argumente au contraire qu’il faut trouver une solution digne pour les exilé-e-s pour débarrasser la ville de sa mauvaise image et aller de l’avant économiquement, mais il rencontre peu d’écho dans les médias. Et les associations de soutien aux exilé-e-s ont dans l’ensemble délaissé le lien avec la population calaisienne, d’autant plus que l’arrivée des ONG et la main d’œuvre apportée par des volontaires d’un peu partout rendent plus marginale la place des bénévoles locaux.
Pourtant l’importance du travail qui a été effectué pour fabriquer du rejet montre qu’il n’était pas évident de rendre acceptable la violence de la politique menée. Rien ne dit d’ailleurs qu’elle soit acceptée. Simplement, le discours qui la banalise et invite au rejet est parvenu à saturer l’espace public. Évacuant du même coup la réflexion sur les causes de la situation sociale et économique de la ville, et les difficultés réelles que rencontre la population.