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"Ici je n’ai plus rien" : en Bulgarie, porte d’entrée de l’UE, les Syriens ne sont plus protégés depuis la chute d’Assad
#migrants #immigration #Bulgarie #Syriens
Article mis en ligne le 6 juillet 2025
dernière modification le 3 juillet 2025

Arrivés en Europe par la frontière turco-bulgare, les Syriens voient leurs demandes d’asile "systématiquement rejetées" en Bulgarie. Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad, ce pays d’entrée dans l’UE oppose un refus à presque toutes les demandes d’asiles émanant de ces ressortissants. Cette situation coince les Syriens dans un territoire qui ne leur offre aucune alternative d’accueil, et rend impossible leur régularisation ailleurs en Europe. Reportage.

(...)Pour arriver ici, à l’entrée de l’Europe, après avoir fui la Syrie et quitté l’école il y a deux ans, Mohamed a dû traverser la frontière entre la Turquie et la Bulgarie. "Ça a été très difficile", commence-t-il en croisant les mains sur son sac noir accroché en bandoulière. "La route était très longue. J’ai marché à travers des épines. Il faisait froid. J’ai même vu un ours !" (...)

Malgré ce difficile franchissement, Mohamed envisage aujourd’hui de faire marche arrière. Cela fait de longs mois qu’il patiente dans ce centre d’accueil bulgare avec d’autres jeunes. Il vient de recevoir un deuxième refus de sa demande d’asile. "Ici, je n’ai plus rien, plus de droit à résider". En Turquie, au moins, "j’ai mon petit frère et des cousins". De quoi tenter d’y construire sa vie, malgré son espoir déçu de l’Europe. (...)

La majorité des recours confirme les rejets

Accolée à l’autoroute qui sort de la capitale se trouve le centre de Vrazhdebna où réside Bashar. Trois policiers en uniforme sombre surveillent les allers et venues depuis une étroite cabine vitrée. Bashar assure qu’ici aussi, on ne trouve "que des Syriens". Aux grilles des fenêtres du bâtiment, peint d’un vieux rose aux teintes rouillées, sont accrochés quelques vêtements. Certains sont tombés et, dans leur chute, sont restés accrochés aux branches d’un arbre.

Bashar a bien tenté de fuir cet environnement morose. Une fois entré en Europe, il a filé vers l’Autriche. Mais comme tous les exilés interceptés à leur entrée en Bulgarie, il avait laissé ses empreintes ici, à l’orée de l’UE. L’Autriche l’a donc renvoyé là, en vertu du règlement Dublin. Après plusieurs mois d’attente à Vrazhdebna, il vient de voir sa demande d’asile refusée. Selon la législation bulgare, la première demande d’asile met au maximum 6 mois à être traitée, puis, il n’y a qu’un seul recours possible. "Maintenant, il n’y a plus d’aide, plus rien. Ils ne nous laissent pas travailler, il n’y aura plus de droit de résider ici", soupire Bashar. Dans ce centre, qu’il décrit comme "sale, avec des draps infestés, des maladies", il souffre d’une infection de la peau, visible sur son visage. (...)

À l’instar de plusieurs associations travaillant auprès des migrants, Diana Radoslavova, avocate de l’ONG de soutien juridique Voice in Bulgaria, note que les demandes d’asile syriennes sont "systématiquement rejetées" depuis la chute de Bachar el-Assad le 8 décembre 2024. "Ces dernières mois, il y a centaines de procédures judiciaires pour faire appel. Mais la majorité des décisions y compris de la Cour Suprême confirment les rejets de l’asile."
"Aucun pays ne dit que la Syrie est sûre, sauf ici !"

Même le Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations-Unies l’observe, dans sa note sur la Bulgarie parue en mars 2025 : "En ce qui concerne les demandes des demandeurs syriens, en plus de celles qui ont été refusées au motif que la Turquie constituait un pays tiers sûr, la SAR [l’Agence d’État pour les réfugiés, chargée de la demande d’asile, ndlr] a commencé au cours du dernier trimestre de 2024 à rejeter les demandes sur le fond".

L’administration bulgare estime que la situation en Syrie ne correspond plus à "une situation où la violence aveugle atteint un niveau tel que les civils, uniquement en raison de leur présence sur le territoire de ce pays ou d’une région particulière, seraient confrontés à un risque réel d’être soumis à une telle menace", relève le HCR.

Autrement dit : les autorités bulgares considèrent que les demandeurs Syriens n’entrent plus, sauf exception, dans les motifs de persécution définis par la convention de Genève de 1951. Les refus s’enchaînent, donc. (...)

Comme bien d’autres, Mohamed ne s’imagine pas un instant retourner au pays : "nous n’avons plus de maison, elle a été détruite. Je n’ai pas de travail là-bas, j’ai un frère qui y travaille pour 7 dollars par jour, qu’est-ce que tu veux faire avec ça... Assad est tombé, mais tout est comme avant. Il n’y a pas d’électricité, pas d’eau. Il faudra encore plusieurs années avant de reconstruire..."

Pourtant, il constate bien autour de lui que les autorités bulgares ne l’entendent pas de cette oreille. (...)

Avant ce tournant, les Syriens étaient pourtant la seule nationalité réellement protégée en Bulgarie. Toutes les autres - Afghans, Irakiens, Pakistanais, Marocains - stagnent depuis longtemps autour de 90 % de rejet. Désormais, les Syriens s’approchent de ces taux de refus très élevés.

Sollicitée par Infomigrants, l’agence d’État bulgare pour les réfugiés n’a pas répondu, pour l’heure, à nos questions. (...)