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le Monde Diplomatique
La Tunisie aux portes du FMI
Article mis en ligne le 24 avril 2013

Pour la troisième fois depuis son accession à l’indépendance, en 1956, la Tunisie demande son concours au Fonds monétaire international (FMI).

  • La première fois, en 1964, cela s’était traduit par une dévaluation du dinar de 20 %, un prêt de 14 millions de dollars et un engagement jamais tenu : « la suppression du déficit des finances ».
  • La seconde fois, en septembre 1986, ce fut plus grave. Le dinar fut à nouveau dévalué de 20 % et un plan d’ajustement structurel imposé à l’économie tunisienne. Le marché était alors appelé à remplacer le plan et le secteur privé à supplanter les entreprises publiques condamnées à disparaître ou à être privatisées. Ce faisant, l’encouragement de l’investissement étranger devenait la règle.
  • La troisième fois ressemble aux deux premières en plus dramatique : la Tunisie révolutionnaire fait face à nouveau à une crise de ses finances extérieures. En décembre 2012, les réserves officielles sont tombées à l’équivalent de 94 jours d’importation et la signature tunisienne, très dévaluée sur les marchés financiers internationaux, ne lui permet plus d’y « sortir », c’est-à-dire d’y lancer des emprunts obligataires, comme c’était possible avant janvier 2011. Les deux seuls emprunts réalisés en 2012 n’ont été possibles qu’avec la garantie officielle des trésors américain et japonais.

2013 s’annonce encore plus difficile : « Les marges de manœuvre budgétaire et monétaire de l’Etat sont épuisées », affirme l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Mustapha Kamel Nabli. De plus, « à titre de précaution », Tunis demande au FMI un prêt d’environ 1,4 milliard d’euros sur deux ans. En contrepartie, il lui faut s’engager à un certain nombre de réformes structurelles qui ne manqueront pas de soulever de vives résistances dans la société, dans la mesure où elles toucheront des acteurs sociaux à qui la révolution de janvier 2011 a donné les moyens de se défendre.

Premier groupe touché, les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques, qui représentent au moins le tiers du salariat. (...)


Seconde cible, les consommateurs et les usagers.
L’Etat subventionne le pain, l’huile, les carburants, le gaz, l’électricité, l’eau, les transports scolaires, le train... (...)

A terme, la réforme pourrait être radicale, dans l’esprit d’un courant qui se développe dans le monde entier et qui vise à remplacer les subventions par un transfert direct et nominal d’argent aux plus nécessiteux. En attendant, alors que l’inflation atteint déjà 6,5 % et lamine les revenus des Tunisiens, ces mesures ne peuvent qu’accélérer la hausse des prix surtout si, comme prévu, le gouvernement procède à un relèvement de la TVA. (...)

Le troisième groupe visé par l’accord de confirmation est constitué par les débiteurs des banques. Le système bancaire tunisien est malade, et l’agence de notation américaine Moody’s vient de dégrader, le 13 mars dernier, la note des cinq principales banques, dont trois appartiennent à l’Etat. (...)

Le nouveau gouvernement pourra-t-il à la fois, comme il s’y est engagé le 14 mars 2013 devant l’Assemblée nationale constituante, tenir des élections législatives avant la fin de l’année 2013 et appliquer l’accord avec le FMI ?

Sur le papier, c’est possible. Le programme d’action économique et sociale du gouvernement, adopté le 4 avril 2012 par la majorité de l’Assemblée nationale, comprend déjà toutes ces mesures. Sur le terrain, cela l’est moins, sauf si le FMI, comme en 2012 la Banque mondiale pour un prêt de 500 millions de dollars, accepte finalement que « la réforme des subventions alimentaires et du carburant ne soit pas appliquée avant les élections ». Son Conseil d’administration doit se réunir pour approuver l’accord en mai prochain.