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La Grèce et l’Espagne ont aidé l’Allemagne d’après-guerre à se reconstruire : cherchez la différence
Article mis en ligne le 5 mars 2013
dernière modification le 28 février 2013

Il y a soixante ans aujourd’hui, un accord a été conclu à Londres pour annuler la moitié de la dette de l’Allemagne d’après-guerre. Cette annulation, et la façon dont cela a été fait, est essentielle à la reconstruction de l’Europe de l’après-guerre. Elle est en contraste frappant avec la souffrance infligée aux peuples européens aujourd’hui au nom de la dette.

L’Allemagne a émergé de la seconde guerre mondiale en supportant encore des dettes originaires de la première guerre mondiale : les réparations imposées au pays suite à la conférence de paix de Versailles en 1919. Beaucoup, y compris John Maynard Keynes, ont fait valoir que ces dettes impayables et les politiques économiques qui en découlaient ont conduit à la montée du nazisme et à la seconde guerre mondiale.

En 1953, l’Allemagne avait également des dettes due aux prêts pour la reconstruction effectués immédiatement après la fin de la seconde guerre mondiale. Parmi les créanciers de l’Allemagne, on trouvait la Grèce et l’Espagne, le Pakistan et l’Egypte, ainsi que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France.

La dette allemande était bien inférieure aux niveaux observés en Grèce, en Irlande, au Portugal et en Espagne d’aujourd’hui, et ne représentait qu’un quart du revenu national. Mais même à ce niveau, la préoccupation était vive que le service de la dette obligerait à utiliser de précieuses recettes en devises et mettraient en danger la reconstruction.

Ayant besoin d’une Allemagne de l’Ouest forte comme rempart contre le communisme, les créanciers du pays se sont réunis à Londres et ont montré qu’ils avaient compris comment aider un pays qu’on souhaite voir sortir des ruines. Ils ont également montré avoir compris que la dette ne peut jamais être considérée comme étant de la responsabilité du seul débiteur. Des pays tels que la Grèce ont volontairement pris part à un accord pour aider à créer un environnement stable et prospère en Europe occidentale, malgré les crimes de guerre qu’avait infligé l’occupant allemand quelques années auparavant.

L’annulation de la dette de l’Allemagne a été rapide, avant qu’une vraie crise n’éclate. (...)

La priorité d’un gouvernement endetté aujourd’hui est de rembourser ses dettes, quel que soit le montant du budget que ces remboursements consomment. Contrairement à la limite de 3% sur les paiements de la dette allemande, aujourd’hui, le FMI et la Banque mondiale estiment qu’une charge qui absorbe jusqu’à 15-25% des recettes d’exportation est « soutenable » pour les pays pauvres. La charge de la dette grecque représente environ 30% des exportations. (...)

L’accord sur la dette allemande a été un élément clé de la reconstruction après les dévastations de la seconde guerre mondiale. Dans l’Europe d’aujourd’hui, la dette déchire le tissu social. Hors d’Europe, les pays lourdement endettés sont encore contraints à des politiques d’austérité et des mesures d’ajustement. Le Pakistan, les Philippines, le Salvador et la Jamaïque consacrent tous entre 10 et 20% des recettes d’exportation au paiement de la dette publique extérieure, non compris les paiements de dettes privées.

Si nous n’avions pas une expérience concrète de la façon de résoudre une crise de la dette de manière équitable, nous pourrions peut-être considérer que les dirigeants européens se trompent. Mais nous avons l’exemple positif de l’Allemagne il y a 60 ans, et l’exemple dévastateur de la crise de la dette latino-américaine il y a 30 ans. Les actions des dirigeants européens sont tout simplement criminelles.