A la demande du gouvernement, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) travaille sur un rapport prônant une fusion de la Sécu avec les mutuelles. Du coup, les mutuelles sont vent debout, et invoquent les 100.000 salariés qui les font fonctionner et le risque d’étatisation de la protection sociale.
Lors du débat d’On n’arrête pas l’éco sur France inter samedi matin (20 novembre), Christian Chavagneux, éditorialiste à Alternatives économiques disait que c’est Bercy qui a fait fuiter l’info sur ce rapport qui n’est pas terminé, afin de plomber le projet du ministre de la santé, Olivier Véran, et du Haut conseil.
A la Libération, la création de la Sécu prévoyait que 80 % des frais de santé seraient remboursés : les mutuelles d’avant-guerre s’engouffrent alors dans les 20 % restants. Aujourd’hui, elles coûtent 28 milliards d’euros pour 20 milliards remboursés : soit 8 Md€ de frais de gestion pour 12 % du total des remboursements de frais médicaux, alors que la Sécu coûte seulement 7 Md€ pour 80 % des remboursements (les mutuelles dépensent des sommes exorbitantes en publicité, en sponsoring pour attirer des clients).
Évidemment, il y a le risque qu’une fois tout concentré dans un seul organisme, l’État réduise la couverture au détriment des assurés. Reste posé le fait que les 2/3 des dépenses de santé ce sont les revenus des professions de santé. Les dépassements d’honoraires ne sont pas justifiés, de même qu’il est anormal qu’un ophtalmo gagne 2,5 fois le revenu d’un pédiatre.
Enfin, Philippe Mabille, directeur de La Tribune, disait bien au cours de l’émission d’Alexandra Bensaïd que si les salariés ont des mutuelles payées par les employeurs, ce n’est pas le cas des retraités qui payent plein pot. J’ajoute, ce qui n’est abordé quasiment nulle part, le fait que les mutuelles, quoi qu’elles en disent, ne relèvent que partiellement du principe de solidarité puisque plus vous vieillissez plus votre cotisation est élevée. (...)
La France Insoumise avait plaidé en 2017 pour une "sécurité sociale intégrale". Il va de soi que le principe d’une Grande Sécu suppose qu’on clarifie le financement et que l’on garantisse une bonne couverture globale des soins, et non au rabais ce qui aurait pour effet de faire revenir la nécessité de disposer de mutuelles ou d’assurances complémentaires. (...)
Actuellement, comme le rappelait Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP lundi 22 novembre matin sur France inter, un petit enfant hospitalisé pour une bronchiolite n’est pas pris en charge à 100 %, ni un malade atteint du Covid, d’ailleurs.
L’hôpital doit alors récupérer le règlement du ticket modérateur auprès des complémentaires, soit éditer des millions de factures présentées aux assurances ou mutuelles. Dont certaines ne couvrent pas en totalité, le patient étant alors contraint à un reste à charge. Si la Sécu couvrait à 100 % une consultation de médecin, le patient n’aurait pas à faire l’avance (les médecins ayant refusé en 2017 le projet du tiers-payant en invoquant le prétexte de la bureaucratisation de leur fonction s’ils doivent solliciter les multiples mutuelles).
Peut-être même que si les soins, dans un contexte réglementaire (donc sans dépassements de tarifs), étaient gratuits, l’acte médical ne serait plus conditionné et chacun n’attendrait pas pour se faire soigner (une étude Ipsos pour le Secours Populaire a montré que 39 % des Français renoncent ou repoussent des soins, en particulier dentaire et oculaire). (...)