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LA SOLIDARITE CONTRE LA HAINE AUTOUR DE L’ACCUEIL DE 50 MIGRANTS DE CALAIS A TALENCE EN GIRONDE
/ARTS
Article mis en ligne le 24 novembre 2016

REPORTAGE de Jean-François Meekel, journaliste à la revue Ancrage, sur la réunion publique d’information organisée par l’association ARTS le 16 novembre 2016 à Talence

Mercredi 16 novembre, 18h, la salle Mozart, à quelques courtes encablures du château des Arts qui abrite le CAO, le centre d’accueil et d’orientation de la ville de Talence, est pleine à craquer. Wolfgang Amadeus n’y retrouverait pas une seule note ; pourtant la petite musique qui se joue ici, orchestrée par l’association ARTS, (artalence33 chez gmail.com, Facebook association arts) Accueil Réfugiés Talence Solidarité, à l’origine de cette rencontre est plutôt plaisante. Mais pour mémoire, rappelons que quelques semaines auparavant (5/10) s’était tenue une première réunion houleuse en présence du préfet Dartout (et du maire de la ville) et surtout d’un contingent haineux de l’extrême-droite. Ceux-là même qui vont ensuite diffuser dans les boites aux lettres des tracts au contenu xénophobe, bourré de propos immondes et de contre-vérités, inutiles à reproduire ici tant elles sont connues pour avoir saturé ondes et antennes les dernières semaines. Lors de cette première réunion, le préfet, dans le brouhaha et les insultes, put cependant informer de la venue prochaine d’une cinquantaine de migrants de Calais logés dans des Algeco sous la responsabilité administrative d’Adoma (ex Sonacotra). La règle des CAO stipule qu’ils y restent 3 mois, le temps de régler leur situation, à savoir faire leur demande d’asile, ce qui leur ouvre en cas de réponse positive l’obtention du statut de réfugié. Un « parcours du combattant » voir le détail de ces arcanes dans Ancrage n° 58. Si leur demande est prise en compte, en attendant la réponse, ils sont alors dirigés vers des CADA, centre d’accueil pour demandeur d’asile. Dans le cas contraire, c’est l’OQTF, l’obligation de quitter le territoire français. La région Nouvelle Aquitaine, 12 départements, doit recevoir moins d’un millier de « Calaisiens », la Gironde entre 250 et 300. Actuellement, elle en aurait accueilli 380, dont les 50 de Talence, exclusivement des hommes, principalement des Soudanais, des Afghans, des Erythréens, une trentaine de garçons mineurs sont hébergés à Hostens et une trentaine de filles mineures à Arès.

Face donc à cette haine, des hommes et des femmes ont décidé de créer d’abord un collectif puis une association, ARTS, Accueil Réfugiés Talence Solidarité, de manière à pouvoir être conventionné avec ADOMA et notamment assurer les cours de FLE, français langue étrangère à l’intérieur du centre. A son tour l’asso tracte dans les boites aux lettres, sur les marchés, participe à des réunions en mairie, organise un goûter avec les migrants qui arrivent le 24 octobre. Et surtout appelle à cette rencontre du 16 novembre où se pressent des centaines de personnes, 350 à 400, beaucoup debout, dans un grand calme et une attention soutenue. Apparemment, la bataille de l’opinion semble gagnée, les opposants ne montrent pas le bout de leur nez. La pédagogie, l’appel à la raison, à l’intelligence et à la fraternité est à l’œuvre. D’abord deux universitaires à la tribune ; Gilles Bertrand, chercheur en politique internationale, pour décrire la réalité du Soudan puisque la majorité des réfugies en viennent : la guerre entre le nord et le sud, 5 millions de personnes en insécurité alimentaire, 2,2 millions de déplacés. Pour la géographe Bénédicte Michalon, la proportion de migrants est stable sur le long terme, et reste autour de 3% de la population mondiale et la grande majorité des mouvements se font dans un contexte sud/sud. Pour en finir avec l‘idée stupide du grand remplacement chère à Zemmour et à ses épigones, 1,5 million de migrants en 2015 se partagent, inégalement, dans les 28 pays européens quand un petit pays comme le Liban, 4 millions d’habitants, en accueille 1 million. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, la France reçoit une moyenne de 200 000 personnes chaque année dont à peine plus de la moitié restent sur notre territoire, une goutte d’eau dans un océan de bien-être comparé à leur pays d’origine. A la tribune, l’avocat Raymond Blet, qui a tenu pendant des semaines une permanence juridique à Calais, insiste sur l’importance de l’aide qu’il faut apporter à l’élaboration de leur dossier de demande d’asile auprès de l’OFPRA, l’office français de protection des réfugiés et apatrides et en particulier à la rédaction de leur récit de vie qui va conditionner la réponse de l’office. Puis deux migrants, un afghan et un soudanais, viendront témoigner de leur parcours, des histoires dorénavant presque banales : fuite des pays en guerre, de longs périples, des agressions en Libye, des enfants et des femmes laissés au pays, et partant ce manque lancinant des siens, Calais, les tentatives pour passer en Angleterre, les échecs, les blessures, la vie difficile et puis soudain ici le calme, l’accueil, l’espoir qui renait.

A l’issue de la rencontre, l’association a tenu une réunion, 60 personnes sont restées. On a listé les actions, pris les noms de ceux qui se proposaient pour telle ou telle. L’enseignement du français est déjà bien lancé, ainsi que l’accompagnement santé. En prévision : des soirées festives, pas au-delà de 22h, les migrants doivent respecter un couvre-feu de 22h au risque de passer la nuit dehors ; des sorties découvertes de la ville et des musées, des parties de basket et de foot. A Talence, après les cris de haine la solidarité humaine a pris la place, des femmes, beaucoup, et les hommes de bonne volonté se sont levés, l’intelligence politique a eu raison de la passion et de l’irrationnel. L’air y est plus vif !