
Las, les Français donnent moins pour les victimes de la famine dans la Corne de l’Afrique que pour celles des catastrophes naturelles.
(...) Frédéric Bardeau, co-fondateur de l’agence de communication responsable Limite, organise les levées de fonds de certaines ONG. Il explique que ce phénomène a un nom, « donor’s fatigue », et qu’il touche particulièrement l’Afrique. Le public, dont le pouvoir d’achat baisse, souffre d’une certaine lassitude à donner quelques billets pour l’Afrique, qu’ils considèrent comme un cas désespéré(...)
« En 1985, la mobilisation pour l’Ethiopie a été très importante, il y avait une insouciance, les gens pensaient pouvoir changer le monde avec leurs dons.
Aujourd’hui, on baisse un peu les bras car on sait qu’il faudra recommencer
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Face à la mobilisation pour la Corne de l’Afrique, certains sont plus critiques. Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières (MSF) et « théoricien » de l’humanitaire, pense que les ONG exagèrent la crise et que cela a des effets contre-productifs sur les donateurs :
« Il n’y a pas de corrélation entre ce qui est annoncé et les images montrées. Pour l’instant, on ne voit pas d’adultes décharnés en très grand nombre.
Il y a des poches de famine en Somalie où il faut bien sûr agir le plus rapidement possible mais la situation n’est pas généralisée à l’ensemble de la zone. Il y a un mauvais usage de ce mot. Cette trop grande imprécision rend les gens perplexes. »
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Les troubles politiques qui secouent certaines régions africaines touchées par les crises humanitaires jouent également en défaveur de ces dernières. Antoine Vaccaro précise que les donateurs réalisent qu’en sortant leur chéquier, ils n’agissent pas sur les causes du problème mais simplement sur ses conséquences(...)
Un dénominateur commun avec l’Afghanistan et le Pakistan, également boudés par la générosité publique. Considérés comme de « véritables nids de guêpes » par les donateurs, à cause de l’intervention militaire de l’Occident et de la corruption des dirigeants, les deux pays reçoivent peu de dons lors des crises humanitaires.(...)
Frédéric Bardeau, de l’agence Limite, est persuadé qu’il est de moins en moins évident de séparer l’humanitaire du politique :
« Les gens pensent que si on n’arrête pas les guerres, ça ne sert à rien de donner. »
Il explique que le public donnerait plus pour la Corne de l’Afrique s’il voyait que des conférences internationales étaient organisées pour trouver des moyens de lutter contre le détournement de l’aide humanitaire. Selon lui, il est impératif d’être actif sur le plan politique pour s’assurer la pérennité de la générosité internationale. (...) Wikio