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L’agriculture urbaine doit rester un bien commun, pas une activité commerciale
Antoine Lagneau coordonne l’Observatoire de l’agriculture urbaine et de la biodiversité à Natureparif, en Ile-de-France.
Article mis en ligne le 16 janvier 2017
dernière modification le 8 janvier 2017

L’essor de l’agriculture urbaine est continu depuis une décennie. Mais ce mouvement restera-t-il porteur d’émancipation et d’autonomie, ou va-t-il devenir activité commerciale ? C’est la question posée par l’auteur de cette tribune.

(...) Trouvant son origine chez des citadins souhaitant développer le lien social en végétalisant la ville [2], le mouvement semble prêt à basculer dans l’économie marchande en se professionnalisant. Production de milliers de fraises en toutes saisons dans des containers high-tech, salades poussant en batterie dans des installations aquaponiques ou hydroponiques hautement productives, serres géantes sur les toits, champignonnières… L’agriculture urbaine entre dans une nouvelle dimension avec l’ambition, plus ou moins affirmée, de jouer un rôle majeur dans le secteur de l’alimentation.

La ville de Paris, jamais en reste pour flairer les bonnes tendances, a saisi au vol l’opportunité de se positionner en acteur du secteur. Au début de l’année 2016, elle a ainsi lancé avec succès Les Parisculteurs, un appel à projet initié avec plusieurs partenaires proposant plus de 30 sites (toits de gymnases, d’écoles, de collèges, Opéra de Paris…) destinés à accueillir des installations agricoles à finalité largement commerciale.
Attachement originel à une autonomie d’actions et de décisions

Personne n’ose prétendre que l’on va ainsi atteindre l’autonomie alimentaire de la capitale, au regard des 2,5 millions de Parisiens à nourrir. Pour autant, l’esprit frondeur du mouvement, sa dimension sociale, sa volonté d’imaginer des systèmes alimentaires alternatifs, ses réflexions autour des modes de consommation, tout ceci pourrait être relégué au second plan. La trajectoire en forme d’institutionnalisation depuis deux ou trois ans par ce mouvement semble contradictoire avec son attachement originel à une autonomie d’action et de décision. (...)

nombreux sont dans la population ceux qui veulent reprendre le contrôle de leur alimentation [3], l’agriculture urbaine jouant un rôle de catalyseur pour résister à un système économique plus global dont ils entendent sortir. (...)

La revendication d’autonomie dans la pratique de l’agriculture urbaine se retrouve également dans les rapports aux institutions politiques. À Paris, le mouvement Guerilla Gardening a ainsi vivement dénoncé le « permis de végétaliser » institué par la Ville à l’été 2015. Ce permis autorise, après signature d’une charte, l’occupation à titre gratuit du domaine public par les Parisiens afin de le végétaliser sous diverses formes, notamment fruitières et potagères. Le collectif rejette « une nouvelle règlementation [faite] pour limiter l’appropriation spontanée, pour éviter que l’on puisse négocier le changement (…) [une réglementation] qui agit comme autant de freins à la participation, à l’action, à la créativité et à l’engagement réel de chaque individu ».

L’encadrement de la pratique du jardinage en ville doublé de l’impulsion politique donnée à l’agriculture urbaine commerciale apparaît comme sources d’inquiétudes. (...)