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Slate.fr
L’affaire des interprètes afghans de l’armée française, un scandale d’État
Article mis en ligne le 15 mai 2017

Employés par l’armée française de 2001 à 2014, des interprètes afghans se battent depuis trois ans pour faire valoir leur droit d’asile politique. Prise en main par une avocate française, l’affaire ressemble à un vrai scandale d’État redondant.

(...) « J’ai travaillé pour les étrangers, ma vie a basculé »
Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, et la décision de l’administration Bush de relancer la « guerre contre le terrorisme », une opération de l’Otan est lancée en Afghanistan. La France choisit d’en faire partie, et elle enverra en 13 ans plus de 70.000 soldats dans le pays. L’objectif est de chasser les talibans de Kaboul, de détruire les camps d’entraînement d’Al Qaïda en Afghanistan et de reconstituer une armée afghane, de la former. Pour cela, la France fait appel à des centaines d’interprètes, maillon crucial, indispensable, pour le travail de l’armée sur le terrain. (...)

".... Nous avons toujours été sincères et honnêtes avec eux. Sans nous, les soldats français étaient perdus. Moi j’ai travaillé pour les étrangers, ma vie a basculé. »
Un jour, l’oncle d’Adib reçoit la visite d’un Mollah et de villageois de sa région natale, dans la province d’Helmand. Les visiteurs préviennent : ils n’hésiteront pas à décimer toute la famille si Adib travaille pour les étrangers. « Mon oncle a nié, mais ils ont prévenu qu’ils tueraient même les enfants et les femmes », se rappelle t-il.

Tract de Daech et chef Taliban
Figures de traîtres de la nation et de la religion, perçus comme « hérétiques » ou « athées » (postures la plus grave dans l’idéologie de l’Etat Islamique) les interprètes sont actuellement recherchés par l’organisation terroriste, en plus d’autres groupuscules extrémistes et les Talibans. Dans un tract distribué à Kaboul, traduit et authentifié par un spécialiste chez RFI, l’EI annonce explicitement :

« Nous considérons comme athées les gens qui collaborent avec ceux qui font la guerre contre les musulmans : toute sorte de collaboration comme leur protection, la fourniture en vêtements, repas et soins. » (...)

« Nous sommes des trophées pour les extrémistes de ce pays. Nos têtes valent même plus cher que celles d’un soldat », assure Adib.

Lui considère avoir pris tous les risques pour la France. Il se souvient notamment de ce chef Taliban capturé dans la vallée Afghania. « J’ai dû traduire l’interrogatoire. Quand il m’a vu, il a directement menacé de me tuer juste après sa sortie. » Sans compter les nombreux civils locaux, qui, lors d’opérations le traitent de « laïque, non musulman. »

Demande d’asile
Sous pression, il décide de ne pas retravailler avec l’armée à l’issue de sa pause universitaire. Il demande dans la foulée son asile politique pour la France. « Mon père et mes frères sont dans l’armée afghane. Ils ont des armes et savent se défendre, mais moi je n’ai rien de tout ça pour faire face en cas d’attaque. » (...)

Entre 2013 et 2014, il fait sa première demande. Il ne recevra jamais la moindre réponse malgré des lettres de menaces versées au dossier, le menaçant d’exécution. La seconde fois, quand le ministère de la Défense décide de réexaminer les dossiers en 2015, par la force de Caroline Decroix, avocate bénévole française de 36 ans, l’homme n’est pas retenu parmi les cent dossiers acceptés. (...)

Honneur et grève de la faim

Caroline Decroix découvre la cause des interprètes afghans dans un article, en 2015. Avec un collectif d’avocats bénévoles, elle menace alors l’État Française de saisir la justice (...)

Abdul Razik, arrivé en France en mars 2016, est le président de l’association des interprètes afghans pour l’armée française. Selon lui, la France ne prend pas la mesure du danger sur place pour ses camarades. « Moi j’ai échappé à une bombe glissée dans ma maison une nuit. Mais l’Etat français pense qu’on en rajoute... », souffle t-il.

Caroline Decroix ne perd pas espoir et a lancé une seconde procédure judiciaire qui vise une demande de protection fonctionnelle accordant juridiquement défense aux employés de l’administration. Cette dernière se base sur une loi de 1983. Cela prendra encore du temps selon l’avocate. Il y a plus de deux mois, elle a également écrit à François Hollande. A ce jour, l’association des interprètes afghans de l’Armée Française reste toujours sans réponse. (...)

L’avocate attend de rencontrer le nouveau gouvernement qu’Emmanuel Macron et son premier ministre devront former et, à l’issue de cette rencontre, elle entamera une grève de la faim à Kaboul si la situation reste au statu quo. (...)

Fuir
Massoud Mohammad, 23 ans, désespéré, a été contraint de le faire. Célibataire, il a atterri en Allemagne après être passé à pied par l’Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et l’Autriche.

« Quand j’ai signé mon contrat avec l’armée, on me promettait sécurité. Quand vous êtes partis, j’avais beau clamer que j’avais reçu des lettres de menaces, que je recevais des appels anonymes venus du Pakistan, je n’obtenais pas de réponse à ma demande d’asile. » Aujourd’hui en Allemagne, le jeune homme a posé sa demande d’exil outre Hexagone, pas peur de recevoir le même traitement. (...)

Politisation
Ironie de l’histoire, le Front National est le seul parti politique à avoir apporté son soutien à la cause. (...)