Dans un livre sur "La démocratie à l’épreuve de l’intégration européenne" (LGDJ éd.), Christophe Beaudouin, docteur en droit, accuse les classes dirigeantes d’avoir utilisé le rêve européen pour trahir la démocratie : "Sentant le vide ronger la nation de l’intérieur, l’élite française n’imaginait plus depuis longtemps, pour la nation, de destin propre.
Plutôt que de penser une architecture européenne souple conjuguant respect des démocraties, besoin de frontières et économie de marché, les États d’Europe se collèrent les uns aux autres sous l’égide de l’administration bruxelloise, comme des poules malades dans un coin du poulailler. Ce n’était plus la paix ou la fraternité européenne qui les poussaient cette fois, mais l’angoisse du monde qui changeait. L’intégration supranationale est l’ultime voyage de démocraties fatiguées, presque soulagées d’en finir, sans mauvaise conscience, avec les responsabilités décidément exigeantes de la souveraineté."
Entretien avec Christophe Beaudouin, auteur de « La démocratie à l’épreuve de l’intégration européenne », pour le mensuel Nouvelles de France d’octobre 2013.
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« La révolution culturelle des enfants du babyboom était portée par le rêve d’un monde sans limites. La finance mondiale, le commerce et l’industrie de l’information l’ont réalisé. Le capital lui aussi a voulu jouir sans entraves ! » (...)
Ce basculement de l’ordre ancien a connu une accélération sous l’effet d’une conjonction : le souvenir coupable et horrifié des guerres ainsi que des idéologies et valeurs qui leur ont servi de justification, l’orgueil prométhéen grandissant à la mesure de la domination humaine de l’univers via la technique, l’industrie et les sciences, la révolution culturelle individualiste, la société de l’urbanisation, de la consommation et de l’interconnexion, et la mondialisation libre-échangiste. Les sociétés européennes se sont dès lors rapidement converties aux valeurs de la modernité : le pluralisme, la tolérance, le nomadisme et l’ouverture. Elles ont traduit juridiquement ces valeurs dans des traités et des politiques européennes à travers deux principes à usage multiple : la libre circulation et la non-discrimination (...)
Le bousculement des États-nations par des entités administratives transnationales – près de 2 000 organisations de niveau mondial – est le début de réalisation de cette « démocratie sans peuple », ou « post-démocratie » dont l’Europe est le laboratoire expérimental. (...)