Cet article est le premier d’une série de trois sur l’immigration en Espagne et dans l’Union Européenne (UE). Ces articles proviennent d’une étude approfondie sur l’austérité en Espagne à paraître prochainement.
L’Union Européenne garantit la libre circulation des capitaux avant celle des personnes
L’Union Européenne (UE) garantit la libre circulation des capitaux - renversant les barrières douanières pour le libre commerce de marchandises - avant celle des personnes tant en ce qui concerne les non ressortissants que les propres membres de sa communauté. Telle est, sans équivoque possible, l’information que nous offre le Parlement européen sur l’UE : « La libre circulation des capitaux est la plus récente de toutes les libertés prévues par le traité, mais elle est aussi la plus large, car elle a la particularité de concerner aussi les pays tiers. » |1| (...)
FRONTEX en guerre contre l’immigration
Contrastant avec l’expression « interdiction de toutes les restrictions aux mouvements de capitaux et sur les paiements, aussi bien entre États membres qu’entre États membres et pays tiers », l’UE a créé en 2004 une « Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne » (FRONTEX), qui n’est autre qu’une « organisation militaire semi-clandestine » selon les mots de jean Ziegler |3|, une police des frontières extérieures européennes mortifère pour les pauvres qui fuient des pays tiers et dont le budget s’est envolé de six millions d’euros en 2005 à 98 millions en 2014 sans aucun résultat positif. (...)
Article 13 de la Déclaration Universelle des Droits Humains |6| :
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.
L’ex-président de la Commission européenne, Jose Manuel Durao Barroso, a été accueilli aux cris de « assassin » et « honte » à son arrivée à l’aéroport de Lampedusa par un groupe d’habitants qui exhibaient des photographies de quelques-unes des 366 personnes décédées le 3 octobre 2013 lors du naufrage d’une barge de migrants qui tentait d’atteindre l’île italienne à 205 km au sud de la Sicile. C’est sans doute la raison pour laquelle les funérailles n’ont pas été célébrées à Lampedusa, et quasiment aucun des 155 survivants n’a pu voyager jusqu’en Sicile pour participer à la cérémonie. Lamentablement, cette tragédie s’est répété à de nombreuses reprises. (...)
Bien que les Traités mentionnent la libre circulation des personnes comme un droit dont jouiraient les citoyens de l’UE (pas autant que pour les capitaux, comme nous l’avons vu précédemment), ce qui est certain c’est que nombreux ont été ceux qui se sont proclamé en faveur de l’élimination de l’espace Schengen (Accord de 1985 et Convention de 1990 débouchant sur la suppression progressive des frontières internes à l’Union).
L’ex-président français, Nicolas Sarkozy, un des dirigeants qui s’est le plus prononcé contre Schengen, a de nouveau demandé sa suppression peu de jours avant les élections au Parlement Européen du 25 mai 2014. Ses manifestations xénophobes diffèrent peu de celles de Manuel Valls, connu comme « le Sarkozy socialiste », d’origine catalane, qui avant de devenir le premier ministre du président social-libéral Hollande, déclarait en septembre de 2013 : « les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie, et pour cela il faut que l’Union européenne, avec les autorités bulgares et roumaines, puissent faire en sorte que ces populations soient d’abord insérées dans leur pays ».
Après les élections Européennes, ça n’est plus Sarkozy, ni Valls, mais le Front National de Marine Le Pen qui est devenu, pour la première fois, la formation qui a récolté le plus de votes, frôlant les 25%, et obtenant 24 sièges au Parlement Européen. Dans son programme, Le Pen propose de sortir de l’espace Schengen, revenir aux frontières nationales, réduire l’immigration et en finir avec le ’jus soli’ (ou droit du sol, accordant la nationalité aux personnes nées sur le territoire). (...)
Le Front National de Le Pen n’est pas l’unique parti xénophobe qui est entré au Parlement européen le 25 mai 2014. Au Royaume Uni, l’UKIP de Nigel Farage a lui aussi recueilli le plus de votes, comme le Parti Populaire Danois. D’autres pays ont élu des europarlamentaires racistes tels l’Italie (Liga Norte), la Suède (SD), la Belgique (Vlaams Belang), la Hollande (PVV), l’Autriche (FPÖ), la Finlande (Vrais Finlandais, aussi appelé Parti des Finlandais). Pour ne pas mentionner les fascistes d’Aube Doré de Grèce, du NPD d’Allemagne, les « Démocrates » de Suède ou partisans de l’extrémiste Jobbik en Hongrie.
Même avant l’irruption de l’extrême droite au Parlement Européen, dans la pratique, la libre circulation des personnes au sein de l’UE, entre membres de l’Union, ne fonctionnait pas aussi bien qu’elle devrait. Par exemple : l’Allemagne se refuse à verser des prestations sociales aux immigrés de l’UE s’ils n’ont pas travaillé dans le pays.
La Belgique, de son côté, a retiré le permis de résidence et donné l’ordre de quitter le territoire à 2 712 citoyens de l’UE en 2013 (...)
Au moins 13 pays de la Union - parmi eux, en plus de la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Autriche et l’Irlande - pratiquent les expulsions. Les citoyens européens pourront vivre librement dans un autre pays de l’UE tant qu’ils ne deviennent pas “une charge excessive pour l’assistance sociale du pays d’accueil”.
Ces pratiques choquent d’autant plus qu’il s’agit de pays qui partagent une même monnaie : l’euro, et un espace commun : l’eurozone, qui ont engendré de grands déséquilibres économiques et de grandes inégalités entre leurs membres. (...)