Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Libération
« Je suis là pour porter le deuil du droit des étrangers »
Article mis en ligne le 23 février 2018

Ce mercredi, jour de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi sur l’asile et l’immigration, plusieurs rassemblements ont eu lieu à Paris pour protester contre un texte jugé trop répressif. Nous en avons fait le tour.

11 h 30 : « Tour de vis répressif »
« Vous avez vu, on a un avocat, un juge, un membre du HCR [Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés]. On pourrait faire une audience ! » Devant le Conseil d’Etat, qui a refusé de suspendre la veille la très polémique circulaire prise par Gérard Collomb en décembre sur l’hébergement d’urgence, un petit groupe de manifestants plaisante. A l’appel de deux syndicats de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui étudie les demandes d’asile, et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui statue sur les recours des déboutés, et de l’association d’avocats du droit d’asile Elena, quelque 200 personnes se sont réunies pour protester contre le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif ». (...)

11 h 45 : « Usine à gaz »
Arrivée en fanfare des rapporteurs de la CNDA. Arcadie en fait partie. Il conteste en particulier la division par deux du délai pour déposer un recours lorsque l’on est débouté du droit d’asile, aujourd’hui de trente jours. « Ça concerne quand même un contentieux, une population, particulière, en situation de traumatisme, de précarité. Il faut du temps pour que la parole se libère. Quinze jours, c’est inacceptable. Ça va forcément avoir des répercussions sur la qualité de la justice et de notre travail. » Selon lui, l’objectif du gouvernement de traiter les demandes d’asile en cinq mois, contre onze en moyenne aujourd’hui, est intenable (...)

La levée du caractère automatiquement suspensif des recours, par exemple pour les personnes originaires de pays considérés comme « sûrs » (Bénin, Albanie, Ghana…), inquiète aussi Arcadie : « Ils pourront être expulsés en attente de la décision de la cour. C’est une atteinte au droit effectif. La loi prévoit qu’ils pourront faire un recours devant le tribunal administratif, qui va décider si le recours est suspensif ou non. C’est une usine à gaz ! On complexifie des procédures alors que ces gens peuvent être en danger dans leur pays, c’est inadmissible. »

12 heures : « Oisiveté imposée »
Derrière le député de La France insoumise Eric Coquerel, qui répond aux questions de journalistes de télévision, on aperçoit son jeune camarade Ugo Bernalicis, venu en soutien aux manifestants, enveloppé de son écharpe républicaine. Selon l’élu entré au Parlement en juin dernier, le projet de loi est plus « sécuritaire » que « ferme », et manque d’humanité. Comme les autres manifestants, il se dit choqué par la réduction du délai de recours et par l’augmentation de la durée maximale de rétention. « On sait que ça ne sert à rien. Ce sont les mêmes qui sont retenus quarante jours qui resteront quatre-vingt-dix avant d’être libérés », juge-t-il. (...)

12 h 15 : « Les gens sont traités de manière expéditive »
Avant de filer au prochain rassemblement, on discute avec Brigitte, militante de longue date à la Ligue des droits de l’homme (LDH). Pour elle, ce projet de loi a pour but de « restreindre l’accueil » des étrangers en France, alors « qu’on trouve normal que les Français aillent s’installer à l’étranger ». « Quand on accompagne des étrangers en préfecture, on voit bien qu’il y a parfois une indignité de l’accueil. Maintenant il y a moins de files d’attente donc c’est moins visible. Mais les gens sont traités de manière expéditive, parfois comme des animaux, alors qu’ils ne comprennent pas bien le français. (...)

13 heures : « Ci-gît l’humanité de Macron »
Une poignée de touristes regardent, l’air interrogatif, la grande banderole noire que déroulent des manifestants devant la préfecture de police : « Projet de loi immigration, ci-gît l’humanité de Macron. » A l’appel d’Emmaüs International et d’un collectif d’associations, une soixantaine de personnes manifestent. Les quatre petits degrés que le thermomètre affiche n’ont pas dû motiver les foules. Sur les panneaux, on lit « résistons à bras ouverts » ou « il est où le devoir d’humanité ? ».

13 h 10 : « Restriction des droits et la répression »
On interroge Sébastien Bailleul, porte-parole du Crid, une organisation de solidarité internationale, sur les raisons de sa présence. La réponse claque : « Je suis là pour porter le deuil du droit des étrangers. Sous couvert d’humanité, ce projet de loi prône plutôt la restriction des droits et la répression. » (...)

13 h 20 : « Accès à aucun droit »
Stéphane Melchiorri, responsable de la solidarité internationale chez Emmaüs International, tient à peu près le même discours : « Ce texte est dans la continuité des textes précédents. Sur le terrain, la situation est dure. Dans nos communautés Emmaüs, qui sont normalement des lieux de passage mais deviennent parfois des lieux d’hébergement plus long, on se rend compte que jusqu’à 70% des migrants n’ont accès à aucun droit. Au niveau de l’Etat, des préfectures, on est souvent face à des murs. » Il regrette également le manque de concertation avec les acteurs associatifs lors de l’élaboration du projet de loi (...)

18 h 20 : « Pasqua a eu ses charters, Macron a ses déportations »
Place Saint-Michel. Nouveau rassemblement à l’appel de l’association Baam (bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants). Tandis que des militants disposent des canots pneumatiques sur la fontaine, pour rappeler les milliers de morts en Méditerranée chaque année, la présidente du Baam, Héloïse, explique que ce projet de loi « est liberticide. On a pas vu pire depuis Pasqua. Pasqua a eu ses charters, Macron a ses déportations ». (...)

18 h 30 : « Collomb en rétention »
La place se remplit. La foule est hétéroclite, on aperçoit quelques élus communistes en écharpe tricolore, l’association de défense des trans Acceptess-T, des drapeaux CGT, Attac, des pancartes Aides, le collectif de soutien aux migrants qui occupent des locaux de l’université Paris-8, des collectifs de travailleurs sans-papiers, des citoyens lambda. Une femme explique à son enfant ce qu’est une manifestation. Beaucoup de pancartes visent le président et le ministre de l’Intérieur : « Collomb en rétention », « Collomb en marche vers le camp de rétention », « Dublinons Collomb », « Vichi (sic) c’est fini Macron ». Un jeune homme monte sur la fontaine, pancartes « Personne n’est illégal » dans une main et « Stop Dublin » dans l’autre. (...)

19 h 10. « fondue savoyarde »
La place est pleine à craquer. (...)

19 h 30 : mille à deux mille personnes
Certains cafés ferment leur terrasse. Des résidents regardent le cortège, où l’on danse volontiers, depuis les fenêtres des appartements bourgeois. C’est qu’ils sont moins habitués à voir des manifestations que les personnes vivant entre République et Nation, ou à Denfert-Rochereau ou Montparnasse. Le parcours du cortège, qui a réuni facilement mille à deux mille personnes, est assez peu orthodoxe.

19 h 40 : « On ferme les portes » (...)

" Sous des airs de vouloir plus aider ceux qui ont obtenu le statut de réfugié, on ferme les portes ». Elle montre un panneau qui comptabilise les migrants morts en Méditerranée ces vingt-cinq dernières années : 33 293. (...)

Sous des airs de vouloir plus aider ceux qui ont obtenu le statut de réfugié, on ferme les portes ». Elle montre un panneau qui comptabilise les migrants morts en Méditerranée ces vingt-cinq dernières années : 33 293.