
En janvier 2018, Laurent Torondel, militant de 22 ans, poste sur Twitter une photo. Elle montre deux policiers qui sont en train d’arrêter un migrant pendant une distribution. Le jeune homme ne se doute pas que la justice française va lui tomber dessus. Son témoignage est une plongée dans la répression des aidants, quand dénoncer un abus devient un délit.
Loan Torondel : J’ai reçu un appel sur mon téléphone. Un policier me convoquait au commissariat le lendemain pour une audition libre. Il m’apprend alors que je suis accusé de diffamation.
J’en ai presque ri sur le moment car le tweet était humoristique. Mais surtout, il était basé sur ce que j’observais sur le terrain en tant que coordinateur à l’Auberge des migrants de Calais, entre l’été 2016 et 2018. À savoir que la police ramasse les couvertures des migrantsà Calais. Et que cela se produit tout le temps.
Pourquoi la police leur prendrait-elle leur couverture ?
Pour éviter la formation de campement. Plusieurs fois par semaine, elle vient avec des services de nettoyage et détruit les camps, les tentes. C’est observé, c’est filmé.
Pour qu’une enquête soit ouverte à ce sujet, nous avons déposé plusieurs plaintes auprès du parquet de Boulogne-sur-Mer. Bien que nous ayons apporté des éléments probants, aucune suite n’a jamais été donnée à ces plaintes, aucune enquête n’a été ouverte. (...)
J’ai voulu dénoncer le décalage entre les propos bienveillants du président et cette répression. Dans un tweet, j’ai donc repris la phrase de Macron en imaginant un dialogue fictif entre des policiers et des migrants.
Que s’est-il passé suite à votre convocation au commissariat ?
Le premier choc c’est l’audition, voir que si les policiers n’étaient jamais poursuivis pour leurs actes, ceux qui les dénonçaient pouvaient, à l’inverse, se retrouver dans les mains de la justice… pour un simple tweet.
Pourquoi vous avoir poursuivi selon vous ?
D’abord pour discréditer les aidants. Clairement, aussi, pour nous faire partir. Car on dérange. Nos rapports, nos alarmes à la presse, le fait de s’exprimer sur la situation, empêchent les autorités d’avoir les mains totalement libres, évitent que les migrants ne soient invisibilisés.
Et puis, c’est pour décourager les personnes de parler. (...)
La condamnation pour diffamation le 25 septembre dernier vous a-t-elle fait peur ?
Bien sûr. Je ne m’y attendais pas. Nos arguments étaient fiables, les faits avérés. D’ici l’appel en mai 2019, j’ai encore cinq mois à attendre. Des mois à vivre avec l’épée de Damoclès au-dessus de la tête, celle d’être reconnu coupable. Pourtant, je n’ai commis aucun délit, j’ai juste voulu défendre les droits des gens.
Cela vous a découragé ?
Pour être honnête, il faut reconnaître qu’un procès c’est épuisant, stressant, on est face à un juge, un procureur, dont on a l’impression que leur but est de démontrer que vous êtes coupable.
Mais Amnesty a pris ma défense. J’ai alors reçu beaucoup de messages, de mails de soutien. Des gens m’ont écrit : « Accroche-toi, on sait que ce n’est pas facile ».
Je suis aujourd’hui étudiant à Poitiers en accompagnement des personnes en difficulté, je suis engagé avec Médecins du Monde dans un centre de soin à Saint-Denis où je me bats pour l’accès à la santé pour les personnes précaires. Je m’accroche ! (...)
Demandez au Président Macron de mettre un terme au harcèlement des personnes et des organisations qui défendent les droits des réfugiés et des migrants.