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Irruption des paysans dans les débats internationaux sur la biodiversité cultivée
#biodiversite #paysans #agriculture #multinationales
Article mis en ligne le 5 juillet 2023

Les paysans s’organisent pour défendre dans les enceintes de la gouvernance mondiale la conservation et le renouvellement dans leurs champs de millions de semences paysannes locales. Ils luttent ainsi contre les tentatives de l’industrie de réduire cette immense diversité à quelques combinaisons de gènes brevetés.

Née en 1993, La Via Campesina (LVC) est aujourd’hui la principale organisation paysanne mondiale, représentant plus de 200 millions de paysans. Apparue au grand jour lors de grandes manifestations internationales organisées au tournant du XXIème siècle contre les accords de libre échange du Gatt puis de l’OMC, elle y exigea de « sortir l’agriculture hors de l’OMC » qui, depuis, s’est éteinte au profit de multiples accords commerciaux bilatéraux (...)

Contourné par l’industrie, ce partage se réduit à quelques dollars symboliques versés à des chercheurs, des ONG ou des institutions liées à l’industrie semencière, et non à des organisations paysannes autonomes. L’accès aux semences conservées dans les banques de gènes est théoriquement conditionné à l’engagement de ne revendiquer aucun DPI pouvant limiter l’accès pour la recherche et la sélection à ces semences, leurs parties ou leurs composantes génétiques.

2022 : une première éclaircie ? (...)

Après de multiples réunions, le Tirpaa accoucha, en 2022, d’une liste d’« Options envisageables pour encourager, orienter et promouvoir la concrétisation des Droits des agriculteurs » (...)

Vers une Convention contraignante pour le respect des droits des paysans ? (...)

Mais les manœuvres de l’industrie sont sans limites. Le séquençage génétique de la première espèce végétale mobilisa, à la fin du siècle dernier, six ans de travail de centaines de chercheurs et des millions de dollars. Désormais, quelques dollars et quelques heures suffisent pour obtenir le séquençage complet d’une semence. En 2014, le secrétaire du Tirpaa annonça sa décision d’engager le Traité dans le programme DivSeek, qui vise à séquencer les millions d’échantillons de semences conservées dans les collections placées sous sa gouvernance [9]. LVC dénonça immédiatement cette initiative qui permet de faciliter le brevetage de ces séquences génétiques. Un an plus tard, le secrétaire du Tirpaa a été remercié et le Traité se retira du programme DivSeek.
L’entourloupe de l’information sur les séquences génétiques (...)

Aucun paysan ou petit semencier n’a accès au séquençage génétique systématique indispensable pour amener la preuve de cette antériorité. Ce subterfuge sémantique, qui transforme les ressources génétiques en « produits de la recherche », permet aujourd’hui à cinq multinationales de contrôler 60 % du marché mondial des semences certifiées. Il génère cependant de vives protestations des pays du « Sud », alertés par LVC et des ONG. L’Organe directeur du Tirpaa a renvoyé la question à la Convention sur la diversité biologique (CDB) avant de remettre récemment ce sujet à l’ordre du jour de ses travaux [13]. En attendant, les brevets sur des « informations génétiques » identifiant les séquences génétiques introduites dans des plantes par les nouvelles techniques de modification génétique s’accumulent [14]. Pendant ce temps, la Commission européenne tente de supprimer l’obligation de traçabilité des PGM (plantes génétiquement modifiées). Or, cette obligation est le dernier outil juridique qui interdit d’étendre la portée des brevets sur ces informations génétiques aux semences paysannes ou traditionnelles qui les contiennent naturellement [15].

Pendant que les conflits que génère ce nouveau hold-up sur le vivant s’amplifient, les trois quarts de la nourriture disponible sur la planète sont toujours issus des systèmes semenciers paysans et non de semences industrielles. Les paysans s’organisent partout pour développer, échanger et protéger leurs semences et leurs connaissances. L’arrogance des pays riches est de plus en plus contestée. Les fausses promesses de l’industrie ne trompent que ceux qui y croient, et ils sont de moins en moins nombreux.