
L’occupation du théâtre de l’Odéon par une quarantaine d’intermittents est un coup d’éclat symbolique dans la négociation du régime de l’assurance chômage. Dialogue avec les occupants et reportage photo.
(...) Rassemblement paisible mais matraqué
Lundi soir a lieu à l’initiative de la CGT-spectacle et de la Coordination des intermittent(e)s et précaires d’Île-de-France un rassemblement. Il fait suite à un premier rendez-vous prévu à 17h devant le ministère du tavail, rue de Grenelle, où plus de trois cent personnes se retrouvent. Après avoir entendu un point sur les négociations en cours concernant l’assurance-chômage par un représentant de la CGT et un autre de FO, les présents sont partis en manifestation rejoindre l’Odéon. (...)
Lorsque le cortège arrive devant le théâtre, d’autres manifestants sont déjà là. D’autres, encore, les rejoignent, venant de République notamment, le mouvement Nuit debout ayant décidé de délocaliser son assemblée générale de la place de la République à l’Odéon. Il y a là des artistes, des techniciens ou des personnels administratifs de structures culturelles, intermittents ou permanents, des étudiants, des membres d’Hôpital debout – aisément repérable à leur blouse blanche. D’autres personnes, encore, moins engagées mais se sentant tout aussi concernées. Parmi celles-ci, Bérangère, graphiste free-lance, présente « par solidarité :
« Nous subissons tous la précarité et toucher à ce régime spécifique d’indemnisation, c’est aussi fragiliser les autres secteurs professionnels. »
Paisible dans son ensemble, fait d’échanges au mégaphone entre la place et le balcon, ponctué de chants, de slogans et d’appels à ouvrir le théâtre, le rassemblement est attaqué avant 20h par les forces de l’ordre. Gaz lacrymogènes, coups de matraques, rues barrées et cernées de policiers, il s’agit de démembrer la manifestation et d’intimider. Un déploiement de force impressionnant, d’autant plus qu’aucun débordement n’est à déplorer. (...)
Occupation maintenue
Si les attaques policières n’ont pas suffi pas à entamer la motivation d’une partie des présents, restés pour tenir l’assemblée générale et soutenir les occupants de l’Odéon, elles frappent par leur violence. Et par le fait qu’elles constituent l’unique réponse aux actions menées. Participant à la manifestation, Julien, metteur en scène, pointe l’un des paradoxes de la situation en relevant que « cette violence policière est d’autant plus désespérante qu’elle se produit devant l’un des six théâtres nationaux de France ». Et souligne la symbolique particulière du lieu :
« Nous sommes ici devant l’une des plus belles institutions françaises en termes d’histoire, de création artistique, de financement, et la direction de cette institution autorise, accepte ces violences. Le théâtre ne cesse de promouvoir "l’être ensemble", "le partage des points de vue", on sent ici directement l’inverse. »
Ce mardi soir, la situation n’a guère évolué : les occupants de l’Odéon demeurent dans le théâtre. Ravitaillés en nourriture, ils tiennent à rester là jusqu’à la fin des négociations de l’assurance chômage, interrompues lundi soir en soutien au mouvement, et qui doivent reprendre demain, mercredi. Ils ont rencontré ce mardi matin le directeur du théâtre Stéphane Braunschweig, à qui ils ont demandé, comme l’explique Claire, l’une des occupantes, d’ouvrir le théâtre :
« Nous demandons que la police arrête de gazer les personnes à l’extérieur, de pouvoir nous retrouver, pour travailler et souhaitons rester là jusqu’à la fin des négociations des annexes VIII et X. » (...)
Les signes d’une convergence
Outre un nouveau rassemblement de soutien (à l’appel de la CIP IDF) pour 18h30 ce mardi devant l’Odéon, divers rendez-vous sont prévus en France, notamment lors de la journée interprofessionnelle de grèves et manifestations lancée pour le jeudi 28 avril. Mais peut-être d’autres actions sont-elles à attendre. D’abord car un appel à la grève générale et illimitée a été lancé à compter de ce jeudi 28, notamment par la CGT-spectacle. Ensuite parce que, mardi soir, une autre occupation était en cours à la Comédie française, après de nombreuses autres scènes en France [2].
Enfin car ce qui se met en place est peut-être un signe de la convergence tant évoquée à Nuit debout. Palpable dès l’assemblée générale des intermittents qui s’est tenue lundi 18 avril au Théâtre de la Ville, et au cours de laquelle des cheminots, des employés de la poste et divers représentants étudiants sont intervenus, cette convergence a aussi été appelée aussi de ses vœux par François Ruffin et ses acolytes lors du rassemblement à la Bourse du travail la semaine dernière. (...)