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le blog de Michel Collon
"Il faut réinventer le contraire du monde dans lequel nous sommes"
Jean-Pierre Berlan ? chercheur
Article mis en ligne le 9 avril 2010
dernière modification le 8 avril 2010

...la critique des errements de l’agriculture doit s’inscrire dans une plus large dénonciation du capitalisme et de la société de contrôle.

...Sérieusement, vous croyez vraiment que Peugeot produit des voitures, Michelin des pneumatiques et Aventis des médicaments ? Bien sûr que non ! Ils produisent des profits. S’ils ne produisent pas de profits, ils ne peuvent pas produire de biens, qu’ils soient utiles, inutiles, toxiques, criminels, peu importe… La règle du jeu la plus fondamentale de notre monde, qui domine complètement nos sociétés, est donc bel et bien la production de profits. 
Une fois que vous avez compris que toutes les institutions d’une société (et plus encore les grandes entreprises capitalistes, cotées en bourse) doivent contribuer à ce qui est sa règle de fonctionnement la plus fondamentale, soit la recherche du profit, vous vous rendez bien compte qu’il n’est pas question que la moindre d’entre elles puisse aller contre la règle du jeu de ce même système....

...De la même manière, il faut revenir sur les larmes de crocodile que les médias versent sur la faim dans le monde. Parce que la logique interne de notre système de production de profits signifie qu’on se contrefout du fait que les gens crèvent de faim. Tout ça, c’est bon pour amuser les gogos, faire des émissions et taper les spectateurs au portefeuille, les émouvoir et les culpabiliser. Mais en réalité, si ça produit du profit de les faire crever de faim, on fera du profit en les affamant. ...

Comment voulez-vous que la recherche agronomique travaille sur la gratuité, alors que la règle du jeu est marchande ?...

la plupart des scientifiques ont la conviction absolue de contribuer au bien-être de l’humanité ; mais ils ont aussi une capacité absolument ahurissante à se leurrer sur ce que le système attend d’eux, sur ce qu’ils font en réalité et sur ce à quoi ils servent....

tant que les hommes ne prendront pas le contrôle de leur propre vie, c’est-à-dire un véritable contrôle de leurs moyens d’existence, le système les tiendra sous sa propre dépendance. Cela renvoie aussi à une réflexion de Marx, dans Le Capital, où il expliquait qu’on pourrait faire l’histoire des inventions en fonction des troubles sociaux ou des grèves ouvrières. La technique est clairement un moyen de contrôle social....

...Par la manipulation des particules du vivant, il s’agissait d’accroître le contrôle sur la société. Pourquoi ? Parce que toute forme de liberté - la sexualité humaine, par exemple - est éminemment dangereuse....

Le contrôle du système sur la vie est en train de prendre des formes tout à fait effarantes. En réaction, je crois aussi qu’un nombre croissant de gens sont prêts à déserter le système, à essayer de retrouver des zones d’autonomie, même si l’appareil d’État s’y oppose.

Il faudra qu’on soit vraiment dans le mur pour que la recherche agronomique finisse par chercher une autre manière de faire. Tant qu’il y aura des possibilités de poursuivre cette fuite en avant que j’ai décrite, le système refusera ces techniques différentes et toute forme d’alternative gratuite. C’est inscrit dans ses gènes. Parce que son but n’est pas de produire du bien-être. Parce qu’on s’en fiche, du bien-être. Parce que c’est finalement très bien, de leur point de vue, que les paysans kenyans crèvent pour que les entreprises fassent du profit…

l’un des enjeux essentielles - et c’est très difficile dans le monde dans lequel nous sommes - est d’arriver à présenter et à démontrer aux populations l’existence d’alternatives crédibles.

a situation aura bientôt tellement empiré qu’on n’aura pas d’autre choix que de se poser cette question : « Dans quel monde voulons-nous vivre ? » Il va falloir en inventer un autre. Ça ne se fera pas facilement. Mais c’est possible.