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Guillaume Meurice : « Je suis optimiste, car le vieux monde est en train de crever »
Article mis en ligne le 31 janvier 2022

Parents militants à Greenpeace, Noël Mamère, combat contre les delphinariums... L’humoriste et chroniqueur Guillaume Meurice se présente à la présidentielle dans un nouveau spectacle. L’écologie, mêlée à l’humour, y occupe une place de choix.

(...) On sent que la plupart des candidats ne sont pas à l’aise avec l’écologie, puisque cela implique de remettre en cause le système économique, le capitalisme. C’est plus facile de dire « On va parler des Arabes ! » (rires). Mais il faudrait que les candidats commencent par ça. C’est un système qui rend énormément de gens malheureux, qui pérennise des mécanismes de domination dégueulasses. On voit bien que son but est d’accaparer les richesses pour quelques multinationales. Le constat n’est pas très compliqué à faire et les solutions ne seraient pas très compliquées à mettre en place non plus, mais il faut du courage politique. C’est ce qui manque le plus. (...)

Dans votre spectacle, vous vous moquez des petites mesures écolos, comme la réduction de la taille des touillettes pour le café. Quel regard portez-vous sur la politique climatique menée par le gouvernement depuis cinq ans ?

C’est un scandale total. Pire, c’est de l’hypocrisie. À la limite je préfère un gouvernement qui dirait « On ne fait rien, parce qu’on s’en fout », plutôt qu’un gouvernement qui fait croire qu’il agit. C’est vraiment le macronisme dans ce qu’il y a de pire : ils font d’énormes trucs dégueulasses, des micro avancées, et ils ne communiquent que sur celles-ci. Pour eux, l’écologie se résume à la fin des delphinariums, la fin des animaux dans les cirques. C’est malhonnête, et on perd du temps.

Malgré l’urgence de la crise climatique et le manque d’action du gouvernement, le grand public reste assez atone.

C’est un phénomène cognitif connu : dès que la responsabilité est diluée, on agit moins. C’est le même principe quand tu vois quelqu’un se faire agresser dans la rue. Si tu es seul, tu interviens. Mais dès qu’il y a quatre ou cinq personnes autour, tout le monde commence à se regarder pour savoir qui y va. Et s’il y a 10 000 personnes autour, tu n’interviens plus du tout, parce que la responsabilité se dilue.

« La mesure la plus urgente, c’est la fin de l’élevage intensif »

Et puis, quoi faire ? Tout le monde se demande quelle est la solution la plus efficace. Je pense qu’il n’y en a pas qu’une seule, que tout se complète. Je n’aime pas les bagarres de stratégies au sein de ces mouvements. (...)

C’est la complémentarité de tous les modes d’action qui convient. (...)

On n’a plus le temps pour faire la fine bouche. (...)

Un des livres que je conseille le plus, c’est L’entraide : l’autre loi de la jungle de Pablo Servigne. Pas seulement sur l’aspect écolo, mais aussi le côté coopératif plutôt que compétitif. On s’aperçoit qu’on est dans un monde basé sur la compétition, qui n’est jamais remis en question. Je suis arrivé à Pablo Servigne en lisant le généticien Albert Jacquard. Il a fait un livre qui s’appelle Halte aux jeux !, sur la compétition, l’absurdité de classer des individus dans un ordre hiérarchique. (...)

En France, massacrer des animaux par paquets de mille, c’est associé à la joie de vivre et au bon goût français. C’est absurde. Je me souviens m’être frité avec Éric Dupond-Moretti avant qu’il ne soit ministre de la Justice. Il était venu dans notre émission et on avait parlé de la corrida, avec des arguments vraiment nuls. C’est de la paresse intellectuelle de dire « Ça a toujours existé donc on continue ». On se pose, on réfléchit, et si c’est idiot, on fait autrement, non ? (...)

Si tu regardes CNews pendant dix heures, tu vas penser que le problème en France, ce sont les Arabes. Même si tu habites dans le Vercors... Donc l’enjeu du moment serait d’avoir un média puissant, une sorte d’anti-CNews. Mais pour cela, il faut faire ce à quoi rechignent les forces de gauche et les écolos : du spectacle. C’est quelque chose qui est considéré comme sale. Alors que la télé, c’est du spectacle, c’est une mise en scène. Comme un théâtre. Un média qui ne passerait pas à côté de l’aspect spectaculaire pourrait être intéressant. Car pour donner envie aux gens de regarder, il faut de la mise en scène. (...)

Êtes-vous optimiste ?

Oui je suis optimiste, car le vieux monde est en train de crever. C’est ma théorie de la bête blessée dans le fossé. Il n’y a rien de plus dangereux qu’une bête qui est en train de mourir et c’est pour ça qu’on l’entend hurler très fort. Notamment sur CNews. Au moins eux ne se cachent pas : ils assument d’être racistes. Les autres diront « Je crois qu’il y a un problème avec la laïcité en France » (sourire). C’est le même délire, sauf qu’ils n’utilisent pas les mêmes mots. Je pense qu’ils sont au courant que le système est en train de crever. Et c’est pour ça qu’ils sont dangereux. (...)

Je pense qu’il faut faire les choses de manière désespérée, au sens philosophique du terme. Si tu agis dans l’optique de faire bouger les lignes, il y a de fortes chances pour que tu sois déçu. L’humanité a une inertie terrible. Souvent, ce n’est même pas de notre vivant qu’on voit les effets de nos luttes.