
Paris 8 sacrifie-t-elle l’avenir de ses étudiants à distance ? La décision de repousser les examens de rattrapage à septembre 2025 et le jury final à octobre replonge les 3 600 étudiants de l’Institut d’enseignement à distance (IED) dans une incertitude insoutenable. Elle bloque l’accès aux masters (les admissions via MonMaster ferment mi-juillet), entrave les transferts vers d’autres universités, compromet le renouvellement des bourses en temps et en heure et des logements étudiants, et met en péril les visas des étudiants étrangers. Après des années de dysfonctionnements graves – décisions illégales annulées en justice, avertissements de la CNIL , menaces, désorganisation chronique – nous, étudiants de l’IED Paris 8, prenons la parole. Nous dénonçons fermement ces manquements qui brisent nos parcours et exigeons des mesures immédiates de la présidence de l’université, du rectorat et du ministère de l’Enseignement supérieur.
Des examens retardés qui compromettent notre avenir
En plein mois de mai, les étudiants de l’IED Paris 8 ont appris avec stupeur que la session de rattrapage des examens pour les étudiants de licence psychologie, initialement attendue en juillet, serait repoussée au début septembre 2025, avec un jury final se tenant début octobre. Cette décision tardive est désastreuse. Elle empêche purement et simplement de poursuivre nos études l’année prochaine. En effet, la plateforme nationale MonMaster clôture ses phases d’admission à la mi-juillet 2025 ; comment pourrions-nous intégrer un master à la rentrée si nos résultats de licence ne sont officialisés qu’en octobre ? Nombre d’entre nous, actuellement en fin de cycle, se voient déjà exclus des masters faute de validation de leur diplôme dans les délais impartis . C’est une génération d’étudiants à distance que l’on sacrifie, en l’empêchant de se projeter vers le deuxième cycle universitaire.
Les conséquences néfastes de ce calendrier aberrant vont bien au-delà des masters manqués. Tout retard de délivrance des résultats bloque les transferts et inscriptions dans d’autres universités, puisque les étudiants n’ont aucune preuve de réussite à fournir pour intégrer une nouvelle formation en septembre. De plus, les allocations étudiantes et les logements du CROUS sont en jeu : sans inscription administrative validée à temps, les boursiers risquent de perdre le bénéfice de leur bourse d’étude ou de leur logement universitaire pour la rentrée. Les enseignants de l’IED eux-mêmes ont reconnu que décaler les rattrapages à septembre aurait des effets dramatiques sur les affectations en master. On parle ici d’adultes souvent en reconversion, exerçant une activité salariée, assumant des charges familiales ou vivant avec un handicap. Pour beaucoup, un report de diplomation signifie un gel des projets de poursuite d’études, une désorganisation complète de leur planning professionnel et personnel, ou une remise en cause de leur équilibre déjà précaire.
Pour les étudiants étrangers, la situation est tout aussi préoccupante. Une partie des inscrits à l’IED réside hors de France et suit cette formation précisément parce qu’elle est à distance. Or, pour ceux qui postulent à un master en France l’année prochaine — où certains regroupements et soutenances peuvent exiger une présence physique — la validation de la licence dans les délais est une condition incontournable pour obtenir un visa étudiant.
Sans résultats avant l’été, aucune inscription administrative ne pourra être finalisée à temps pour engager les démarches consulaires, qui nécessitent plusieurs semaines. Il ne s’agit pas de renouveler un visa existant, mais bien d’en obtenir un nouveau dans un cadre réglementaire strict.
Cette problématique n’est pas théorique. Lors des années précédentes, des étudiants à distance ont été empêchés de valider leur année parce qu’aucune solution n’était prévue pour ceux qui ne pouvaient se déplacer. Ils avaient alors dû renoncer à passer leurs examens, faute de visa délivré à temps pour répondre à des convocations en présentiel.
Aujourd’hui, même avec des examens redevenus à distance, retarder la délivrance des diplômes jusqu’en octobre empêche ces étudiants d’accéder à la suite logique de leur cursus, et menace leur admission en master dans des formations où une présence ponctuelle peut être requise.
Ignorer cette réalité reviendrait à les exclure silencieusement du système, non pas par incompétence, mais par manque d’anticipation administrative.
Au-delà des aspects administratifs, ce report inopiné replonge les étudiants dans l’angoisse et l’instabilité psychologique. Après une année universitaire déjà chaotique, émaillée de changements de modalités et de batailles juridiques, il nous est demandé de passer tout l’été dans l’incertitude. Au lieu de pouvoir tourner la page et préparer sereinement la suite, nous voilà condamnés à des révisions estivales sous pression, sans garantie que cela suffira. Cette attente prolongée, ce sursis imposé, aggravent une détresse psychologique déjà bien réelle chez les étudiants de l’IED. Dès 2022, beaucoup témoignaient de leur souffrance face au stress de la sélection et aux difficultés de poursuivre leurs études, d’autant que nombre d’entre eux sont des salariés à temps plein, des parents isolés ou des personnes en situation de handicap . Aujourd’hui, cette souffrance atteint un niveau critique. Une étudiante en situation de handicap a même, en janvier 2025, exprimé des intentions suicidaires, parce que cela fait deux ans qu’elle n’a pas pu passer ses examens du fait de la désorganisation de l’IED, et aucune réelle solution d’aménagement adapté ne lui a été proposée . Faut-il attendre un drame pour que l’université réagisse ? Combien d’entre nous vont perdre pied à force de naviguer à vue, sans calendrier fiable ni perspective d’issue .
L’IED Paris 8 : trois ans de chaos et de décisions illégales
Ce nouveau report des examens n’est pas un incident isolé, il s’inscrit dans une série de dysfonctionnements graves qui minent l’IED depuis 2022. Notre institut est englué dans un scandale permanent, où les décisions hasardeuses et illégales s’enchaînent, au mépris des étudiants et des règles universitaires. À plusieurs reprises déjà, la justice administrative a dû intervenir pour rappeler l’IED à l’ordre. (...)
Les problèmes de l’IED ne s’arrêtent pas là. La désorganisation structurelle de cette composante atteint un niveau intolérable, empêchant la continuité pédagogique et la sérénité des études. L’IED donne aujourd’hui l’image d’un institut qui fonctionne en vase clos, dans une relative impunité structurelle, comme hors du périmètre de contrôle de l’université elle-même. Pour beaucoup d’étudiants, c’est un sentiment d’abandon qui domine : même l’université semble impuissante ou résignée face aux dérives de sa propre composante. Ce climat entretient un profond désarroi, où les décisions tombent sans logique apparente, sans transparence, et sans que personne ne semble en mesure d’enrayer la spirale de dysfonctionnements.
Les instances régulières sont contournées ou ignorées (...)
L’an dernier, le conseil de l’IED a voulu imposer une hausse de 15 % des frais d’inscription pédagogique sous prétexte d’inflation et de revalorisation salariale – en d’autres termes, faire payer sa crise budgétaire aux étudiants. Les élus étudiants de la CFVU ont réussi à faire annuler cette augmentation en CFVU , mais l’université a quand même appliqué une hausse de 5 % en Conseil d’administration, en dépit du vote opposé de la CFVU et avec la complaisance de la présidence . C’est un déni de démocratie universitaire.
L’atmosphère de travail est délétère à l’IED : peur, démotivation, sentiment d’injustice et de gâchis dominent parmi les étudiants, qui voient leur institut sombrer dans le chaos.
Enfin, alors que les problèmes de l’IED sont bien connus, toutes les alertes ont été ignorées. (...)
Responsabilités engagées et rappel à la loi
Face à ces manquements répétés, nous rappelons aux dirigeants de l’Université Paris 8 et du ministère leurs obligations légales. L’Université est un service public, et à ce titre son fonctionnement doit obéir aux grands principes de continuité, d’égalité des usagers, de neutralité et de transparence . La continuité du service public de l’enseignement supérieur, en particulier, est consacrée par le Code de l’éducation (articles L.123-3 et L.952-1) : les étudiants ont le droit à une continuité dans l’offre de formation et dans l’organisation des examens, sans ruptures injustifiées. Or, que constate-t-on ? Une interruption de fait du service universitaire pour les étudiants de l’IED, laissés en suspens pendant des mois, dans l’impossibilité de planifier la suite de leurs études. Cette situation est une entorse flagrante au principe de continuité du service public, et porte atteinte à notre droit fondamental à la poursuite d’études.
Le président de l’université est, aux termes de la loi, le premier garant de cette continuité et du bon fonctionnement des composantes. (...)
En cas de dérive grave d’un institut, rien n’empêche le président d’en reprendre temporairement le pilotage . Cette disposition d’exception vise précisément à éviter qu’une composante ne porte atteinte aux droits des usagers ou à la légalité républicaine. Nous estimons qu’au vu des carences manifestes et répétées de l’IED, ce seuil est largement franchi. Toutes les conditions sont réunies : nos droits fondamentaux d’étudiants sont compromis, des décisions de justice sont bafouées, et les obligations légales de l’université ne sont pas respectées . Il en va de la responsabilité personnelle du président de l’université de faire cesser ces manquements. Faute d’action de sa part, l’État devra prendre le relais, car nul établissement public n’est au-dessus des lois.
Par ailleurs, la jurisprudence administrative rappelle qu’une université commet une faute en n’assurant pas l’organisation des examens dans des délais permettant aux étudiants de poursuivre leur cursus. (...)
Il est encore temps d’agir : le calendrier universitaire peut être ajusté en urgence pour sauver nos chances en 2025. Si l’université manquait à cette obligation élémentaire, sa responsabilité – y compris juridique – serait pleinement engagée.
Un appel à l’unité et à l’action immédiate
Nous, étudiants de l’IED de Paris 8, refusons de rester spectateurs impuissants de la destruction de nos parcours. Nous appelons à l’unité de tous les étudiants, qu’ils soient de l’IED ou des autres composantes de Paris 8, des enseignants et des personnels, autour de cette tribune. Ensemble, demandons des comptes et exigerons une solution. Nous vous invitons à signer massivement cette tribune pour soutenir nos revendications et mettre fin à l’injustice faite aux étudiants de l’IED.
Nos demandes sont claires : organiser sans délai une session de rattrapage, afin que tous les résultats académiques soient disponibles pour qu’un jury se tienne à temps pour nous permettre d’intégrer nos masters, et autres formations. Il en va de l’égalité des chances entre étudiants (...)
Enfin, nous attendons des mesures fortes pour remettre l’IED sur les rails. Une reprise en main ferme de cette composante s’impose, dès maintenant et pour les années à venir. (...)
Le statu quo actuel n’est plus tenable : comme nous l’avons montré, il met en danger tant la santé mentale que l’avenir académique de milliers d’étudiants.