
L’avenir des terres occupées. C’est l’un des enjeux majeurs auquel doit faire face la Zad de Notre-Dame-des-Landes depuis l’abandon du projet d’aéroport. Focus sur la bataille foncière qui vient de s’engager entre les occupants et les agriculteurs accapareurs du coin.
C’est un nouveau front de lutte. Et celui-ci ne se joue pas derrières les barricades dressées en avril pour contrer les destructions d’habitations. À Notre-Dame-des-Landes, les autorités s’attellent désormais à la redistribution des terres anciennement promises à la bétonisation.
Pour l’instant, ces dernières appartiennent encore à l’État qui les avait préemptées pour Vinci en vue de la construction de l’aéroport. Mais depuis que le projet a été enterré, le gouvernement a chargé un comité de pilotage [1] de trancher la question suivante : à qui doit revenir l’usage des terres agricoles ?
Ne pas tout perdre
La poignée de paysans résistants qui avaient refusé de céder aux sirènes financières des aménageurs – 370 hectares de terres au total – devraient a priori se voir ré-attribuer légalement leurs parcelles. (...)
au-delà du danger inhérent au fait de discuter avec les autorités étatiques, une autre menace plane sur les terres : la convoitise des anciens cultivateurs du coin. Nombre d’agriculteurs, dont les champs étaient concernés par le futur aéroport, ont été grassement indemnisés pour avoir accepté de lâcher leurs parcelles aux bétonneurs. Ils ont par ailleurs été généralement prioritaires sur l’octroi de terres à l’extérieur de la Zad. Certains ont même continué à percevoir des aides agricoles publiques sur les champs qu’ils exploitaient avant le mouvement d’occupation. « Mais aujourd’hui, ces “ cumulards ”, comme on les surnomme par ici, veulent récupérer ces terres, s’indigne une occupante de la Zad. En quelque sorte, ils veulent le beurre et l’argent du beurre ! » (...)
Réunis dans une association baptisée Amelaza, ces agriculteurs, proche de la Chambre d’agriculture et de la FNSEA – le syndicat agricole majoritaire –, revendiquent le droit de revenir cultiver plus de 500 hectares de terres arables sur la Zad. Une façon pour eux d’agrandir leur exploitation afin de déclarer plus de surface agricole et in fine toucher plus d’aides publiques.
L’enjeu politique est de taille quand on sait qu’en France, l’installation pour les jeunes est un vrai chemin de croix et que la moitié des terres agricoles sont concentrées aux mains de 10 % des exploitants. Pour les habitants de la Zad, « les terres libérées par l’abandon du projet d’aéroport doivent aller en priorité à de nouvelles installations de jeunes paysans. » (...)
« L’État a décidé de couper la poire en deux pour tenter de satisfaire tout le monde », lâche quant à lui Camille. La préfecture s’est en effet engagée à transformer les quinze COP en baux ruraux. 30 à 40 hectares de champs déjà occupés depuis plusieurs années mais toujours revendiqués par les « cumulards » devraient finalement revenir au mouvement [4]. Enfin, à la suite de départs en retraite d’agriculteurs d’ici fin 2019, des nouvelles installations – a priori d’occupants – seront privilégiées sur 152 hectares.
Mais ce qui indigne l’ensemble du mouvement, ce sont plus de 300 hectares de terres agricoles qui reviendraient à l’Amelaza. Les habitants de la Zad réclament en amont un diagnostic foncier clair pour chacun des « cumulards », afin de savoir dans quelle mesure ils se sont agrandis et gavés de primes agricoles. (...)
« Il reste aussi 188 hectares à voir au cas par cas et sur une partie desquels des projets liés au mouvement pourraient s’installer », ajoute Camille. Quant à la forêt de Rohanne, en plein cœur de la Zad, la préfecture a annoncé de manière floue que sa gestion serait partagée entre l’Office national des forêts (ONF) et Abracadabois, un collectif d’occupants et artisans qui a pris soin de ce bois avec une vision de l’arbre à la charpente. L’objectif est que les usagers de la forêt gardent le plus d’autonomie possible sur la gestion et qu’Abracadabois ne devienne pas un simple prestataire de service pour l’ONF.
Prendre racine
Une semaine après les premiers rendus de ce comité de pilotage, des habitants de la Zad ont resemé un mélange céréalier à la Noë Verte, sur une parcelle de 6 hectares revendiquée par un « cumulard ». Et une cinquantaine de trous ont été creusés pour accueillir les nouveaux arbres fruitiers d’un verger mis en place l’an dernier avec un réseau d’épiceries autogérées du pays nantais. (...)
Le comité de pilotage se réunira à nouveau mi-février, entre autres pour prendre position de nouveau sur la répartition de l’usage des terres. D’ici là les arbres du verger de la Noë Verte auront déjà pris racine.