« Je me suis mis à vendre de faux pass sanitaires pour me faire de l’argent de poche. » Maxence, 19 ans, a commencé il y quelques semaines à « bidouiller » de faux certificats de vaccination sur Photoshop. Avec l’élargissement du pass sanitaire, l’étudiant en langues croule sous les commandes. À 200 euros le faux certificat, il s’est déjà fait plus de 2.000 euros. Le jeune homme n’est pas le seul à profiter du filon. Le trafic de faux pass sanitaires explose, du darknet au site Leboncoin. (...)
Lui-même vacciné, Maxence confie ne pas comprendre les positions de ses clients, en majorité des quinquagénaires et sexagénaires. « Ce sont souvent les parents ou les oncles et tantes de mes connaissances, détaille-t-il. Ça me tue que ces gens soient prêts à me payer deux cents balles alors que le vaccin est gratuit. Ils me parlent de convictions, mais leurs arguments sont tout le temps à côté de la plaque. Je prends leur argent sans aucun scrupule. »
De l’argent facilement gagné, puisque comme le confesse Maxence, ces certificats sont « de simples photomontages avec un QR code qui n’a aucune valeur informatique ». Ces faux donnent le change pour aller au restaurant ou au cinéma si le personnel se contente d’y jeter un rapide coup d’oeil, mais ils ne résistent pas à l’épreuve d’une vérification électronique. (...)
Pour Corinne Henin, experte en cybersécurité et spécialiste de la sécurité des applications, ce genre de contrefaçon ne peut pas duper les applications officielles telles que TousAntiCovid Verif. Celles-ci effectuent non seulement une vérification des données propres au statut vaccinal du détenteur ou de la détentrice du pass (nom, prénom, pass valide ou non, établissement ayant délivré le certificat, etc.) mais aussi une vérification de la signature implantée dans le QR code. (...)
« Dans le cas du pass sanitaire, seuls certains organismes sont habilités à signer le pass et disposent d’une clef privée. Si le pass est donc vérifié via une application officielle disposant des clefs publiques de ces organismes, alors il n’est pas possible de forger un pass sanitaire qui sera reconnu valide. Un pass sanitaire valide vient forcément d’un centre habilité à en délivrer », affirme Corinne Henin, qui estime que la signature cryptographique des pass apporte une bonne sécurité à ceux-ci, et que le principal défi sera d’éviter les fraudes au niveau des centres de vaccination. (...)
Clarisse confie avoir « aidé » six personnes, toutes de son entourage. Depuis, à la suite de l’annonce de la vaccination obligatoire pour les soignants, elle a démissionné, tant par refus du vaccin que par crainte de se faire repérer par les forces de l’ordre ou son employeur, comme ce fut déjà le cas dans de nombreuses régions. Isère, Île-de-France, Rhône : les réseaux se font démanteler les uns après les autres. (...)
Cette démarche très utilitariste n’étonne pas Romy Sauvayre, sociologue des sciences et des croyances, spécialiste des mécanismes de la croyance, maître de conférences à l’université Clermont Auvergne et au CNRS : « Les personnes qui utilisent ces voies parallèles pour dénicher des faux, tout comme celles qui créent ces filières, sont dans une logique très pragmatique : elles ont besoin d’un pass, elles obtiennent un pass et ça s’arrête là. C’est de l’ordre du service. » (...)
Romy Sauvayre affirme toutefois que les mois passant, ces filières devraient s’épuiser et le nombre de réfractaires diminuer. « Hormis les personnes qui adhèrent pleinement aux théories complotistes et qui camperont sur leurs positions, je pense que beaucoup de celles qui hésitent finiront par se faire vacciner », indique-t-il. Il n’y a qu’à voir la hausse quasi-instantanée des prises de rendez-vous sur Doctolib après l’annonce de l’élargissement du pass sanitaire. Une augmentation de 60% des réservations, alors que 16% des Français affirment ne pas avoir l’intention de se faire vacciner.
« Gardons bien à l’esprit que le déclaratif diffère souvent des intentions réelles et que la stratégie adoptée par le gouvernement est très efficace, prévient Romy Sauvayre. À chaque fois que l’État a légiféré en matière de vaccin, les Français ont suivi et le taux de vaccination a augmenté. Il est facile aujourd’hui de crier haut et fort qu’on ne se fera jamais vacciner, qu’on préfère utiliser un faux ou carrément se priver de vie sociale, mais attendons six mois et nous verrons. »