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Basta !
Face au réchauffement climatique, des agriculteurs montrent la voie d’une irrigation responsable
Article mis en ligne le 3 février 2018
dernière modification le 2 février 2018

Dans les Hautes-Alpes, l’accès à l’eau pour les pâturages est essentiel. Mais nul besoin ici d’énergie fossile ou électrique pour irriguer : des canaux ont été construits à flanc de montagne voici plus de 500 ans. Grâce à la gravité, l’eau y circule jusque dans les vallées. Mais ce mode d’irrigation, qui favorise l’autonomie en fourrage des fermes d’élevage, est aujourd’hui menacé par le désengagement de l’État. Des paysans, avec l’aide du Département, ont décidé de reprendre en main l’entretien des canaux, en misant sur la solidarité entre les usagers.

(...) Dans le monde, plus de 80% de l’irrigation est gravitaire
Peu connus, ces canaux ont pourtant une vieille histoire, la plupart ayant été creusés au 15ème siècle [1]. « Ces canaux, c’est plus qu’un patrimoine culturel, c’est un patrimoine de vie ! Sans cela, il n’y aurait pas ces villages de montagne avec des cultures maraîchères et de l’élevage », insiste Sylvain. En France, on trouve des réseaux d’irrigation gravitaires similaires à ceux des Hautes-Alpes principalement dans les Pyrénées-Orientales, dans les régions de montagne sèche ou dans des plaines comme celle de la Crau (Bouches-du-Rhône). (...)

A l’échelle mondiale, ce type d’irrigation est majoritaire : alors que la surface irriguée globale avoisine les 250 millions d’hectares, 80 à 90 % seraient en irrigation gravitaire, en particulier au Proche-Orient. Ce n’est pas le cas de l’hexagone, où plus des trois-quart de l’irrigation repose sur l’aspersion avec pompe, l’irrigation gravitaire ne représentant que 14% des usages agricoles, malgré de nombreuses régions montagneuses ou vallonnées.

Une méthode d’irrigation cinq fois moins chère. (...)

Ces pratiques contribuent à l’autonomie globale des fermes d’élevage en montagne. « Avec l’irrigation, on fait deux ou trois coupes d’herbe l’été, ce qui nous permet une forte autonomie en fourrage pour les six mois d’hiver », confirme Sylvain Martin. « Cette irrigation sécurise notre stock de foin. » Le regain de pousse permet également aux vaches de pâturer ces prairies durant l’automne. L’intérêt économique de ce mode d’irrigation est sans conteste pour les bénéficiaires : « Il faut compter entre 20 et 50 euros par an et par hectare avec l’irrigation gravitaire, alors que l’irrigation sous pression coûte de 100 à 200, voire 300 euros l’hectare », relève Thomas Raso.

Une irrigation sans énergie fossile ni électrique
Ces canaux garantissent-ils pour autant une plus-value écologique par rapport aux autres modes d’irrigation ? « C’est un peu controversé, reconnaît l’ingénieur. « L’irrigation gravitaire est un mode d’arrosage qui prélève beaucoup d’eau en amont dans les torrents. Il faut en effet un débit minimum pour que l’eau arrive jusque dans les vallées. Or cette eau en amont du canal est considérée par certaines institutions de contrôle comme de l’eau gaspillée : elle est prélevée dans le torrent et n’est pas utilisée directement pour l’arrosage mais pour pousser et transporter l’eau. »

Toutefois, pour l’ingénieur territorial, « les canaux ne gaspillent pas l’eau d’un point de vue global ». Selon lui, l’ensemble de cette eau finit par retourner dans le milieu naturel, que ce soit dans les plantes, les nappes phréatiques ou les torrents. Quant aux infiltrations éventuelles des canaux d’irrigation à ciel ouvert, elles peuvent contribuer à alimenter les nappes phréatiques.

Autre avantage : les canaux d’irrigation gravitaire n’ont besoin d’aucune énergie fossile ou électrique pour fonctionner, contrairement à l’arrosage par aspersion dont les tuyaux sont mis sous pression. (...)

« Le vrai problème, c’est l’entretien des canaux », poursuit Sylvain. « Certains sont à flanc de montagne, d’autres sont inaccessibles avec des engins. » Historiquement, cet entretien est basé sur le système dit « des corvées » effectuées par tous les usagers des canaux. « Si on est dans le périmètre de l’ASA, il faut compter quelques journées d’entretien pour curer, élaguer, remonter des murs, enlever des blocs... Avant, il y avait des centaines de personnes, mais de moins en moins de gens sont venus aux corvées. » Aujourd’hui, une quinzaine de personnes se retrouvent trois demi-journées dans l’année, pour entretenir près de 20 km de canaux porteurs, plus ou moins faciles d’accès. La clé pour qu’une ASA fonctionne ? « On a besoin que tout le monde soit solidaire dans la corvée et le paiement du rôle. »