
Ce mardi matin, devant le bâtiment austère de la préfecture de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, un tapis rouge a été déroulé. Autour, une petite cinquantaine de bénévoles et membres de la Cimade, badge de l’association de défense des droits des étrangers à la boutonnière. Ils se sont réunis pour remettre un « Charter Award » à l’administration du 93, particulièrement zélée en matière de rétention et d’expulsion des étrangers.
D’autres happenings parodiques, façon festival de Cannes, étaient organisés simultanément dans sept villes de métropole et d’outre-mer (Toulouse, Nantes, Poitiers, Cayenne…), pour sanctionner (ou plutôt récompenser) les préfectures ayant bafoué, l’année dernière, le droit des étrangers. (...)
Entre deux jets de paillettes, une membre de l’association, mégaphone en main et tenue de gala, décerne ce mardi matin, à la préfecture de Bobigny le prix « Very Bad Trip », pour avoir enfermé et tenté d’expulser un ressortissant français. Une pratique illégale, une personne de nationalité française ne pouvant être enfermée dans un centre de rétention, et encore moins embarquée de force dans un charter. Ce cas ubuesque est symptomatique de la « politique du chiffre » du ministère de l’Intérieur et d’une administration qui a « de plus en plus tendance à enfermer d’abord à examiner les situations individuelles ensuite » (...)
« Le droit des étrangers est de moins en moins respecté »
Ce genre de pratiques abusives ou illégales, les membres de la Cimade y sont confrontés régulièrement. « On voit des gens gravement malades, des familles avec enfants, envoyés en rétention », raconte Anne-Marie, bénévole depuis une quinzaine d’années en région parisienne. « Le droit des étrangers est devenu extrêmement complexe, déplore-t-elle, et est de moins en moins respecté par les préfectures. On s’en rend compte au quotidien. » (...)
« Ce n’est pas la première fois que nous dénonçons ces pratiques abusives, mais c’est la première fois que nous avons choisi de les mettre en scène », a expliqué à la tribune Geneviève Jacques, présidente de la Cimade. « Mais la réalité du terrain, ce n’est ni du théâtre, ni du cinéma. » Elle espère, avec cet événement, porter un « coup de projecteur » sur les abus de pouvoir des préfectures, souvent passés sous silence. « Espérons qu’elles auront entendu le bruit que nous faisons, et que nous continuerons de faire. »