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Évacuation des campements : ces journalistes empêchés d’informer
Article mis en ligne le 3 février 2021

Ces derniers mois, plusieurs témoignages de journalistes empêchés d’exercer leur métier lors d’évacuation de campements de personnes exilées ont fleuri sur les réseaux sociaux. Certains reporters ont ainsi décidé de faire appel à la justice, et ce jusqu’au Conseil d’Etat, pour faire que la liberté d’expression soit observée sur le territoire.

Des phares de voitures allumés en direction des appareils photos ou des mains de policiers qui cachent les objectifs.
Il devient de plus en plus difficile pour les journalistes de couvrir les évacuations de personnes exilées en France. Parmi eux, le photoreporter Louis Witter, qui travaille sur le sujet depuis six ans maintenant le confirme. « Il y a deux pays qui m’ont empêché de couvrir cette crise : la Hongrie de Viktor Orban et le Maroc de Mohammed VI. Maintenant, il y a la France », commente-t-il le 4 janvier 2021 au tribunal administratif de Lille.
(...)
« Ce sont nos témoins de la société. S’il n’y en a pas, ça risque d’être pire »
(...) Lors de l’audience, les sous-préfets présents ont souligné la publication systématique de communiqués de presse après chaque évacuation. Mais, les journalistes ne peuvent pas se baser uniquement sur la version policière, car « ce sont des actions collectives qui engagent tout un pays. Tu peux travailler correctement à Calais (sur des sujets autour des personnes migrantes), sauf sur les évacuations », complète Louis Witter. (...)
Les évacuations de campements de personnes exilées semblent faire partie des quelques échines qui entaillent la liberté de la presse dans l’Hexagone. Des journalistes qui se sentent impuissants, alors qu’ils aimeraient couvrir au plus près cette actualité quasi-quotidienne. « Ce sont souvent des journalistes pigistes qui vont couvrir les évacuations et les arrivées de réfugiés », rappelle Dominique Pradalié, journaliste et secrétaire générale du Syndicat National des Journalistes (SNJ). Ils se retrouvent ainsi sur le terrain démunis. Sans aucun soutien venant d’une rédaction. Inquiet, le syndicat a adressé plusieurs lettres ouvertes à l’Elysée, afin d’alerter sur les conditions d’exercice du métier de journaliste qui se détériorent. Notamment sur le cas des reporters empêchés d’exercer leur métier. Sur les cinq ou six lettres envoyées au Château, le SNJ n’a reçu aucune réponse. Et pourtant, il ne s’agit pas de cas isolés. (...)
face à une « police plus agressive dans les camps », Sara Farid s’est résolue à ne plus traiter le sujet. « Techniquement, personne ne peut m’arrêter. Mon travail est légal et il y a la liberté d’expression. Mais si j’ai des problèmes en France, où vais-je aller ? ». Sara Farid, qui a fui son pays natal à cause de sa profession, traine toujours sur le chemin de son exil, le poids de son métier. Et la journaliste pakistanaise essuie une double-peine : être journaliste exilée et indépendante. « Donc, je pose mes propres limites », précise-t-elle. (...)
Avant de se rendre sur le terrain, Firas Abdullah, journaliste à Guiti News, est quant à lui sur le qui-vive. Le reporter syrien exilé en France guette la moindre présence policière, par crainte de la confrontation. Présent sur le campement de Saint-Denis le 17 novembre dernier, il s’est éclipsé après l’arrivée des forces de l’ordre.
Cependant, il continue d’exercer son métier. Avec prudence.
(...)
Ces journalistes ne décrivent pas tant la manière dont ces entraves policières sont menées, mais plutôt les mesures liberticides elles-mêmes. « On reste en France quand même, je n’ai pas peur pour moi ni pour mon matos », pondère Louis Witter. Mais le photojournaliste compte bien retourner dans les campements sans subir d’entraves policières. Il a déposé un recours au Conseil d’Etat ; en espérant que la lumière soit faite en faveur de la liberté de la presse. Et non projetée vers les caméras des journalistes.