
Conservateur du cimetière du Père-Lachaise, à Paris, Benoît Gallot nous emmène à la découverte d’une biodiversité insoupçonnée. Renards, fouines, éperviers, chouettes... Un monde vivant au royaume des morts.
(...) Silencieusement, Benoît Gallot s’enfonce dans l’étroit Chemin des chèvres : « Les renards affectionnent ce passage », chuchote-t-il, les mains blotties dans son manteau. Soudain, dans l’entrelac des ronces, un craquement brise le lointain bourdonnement de Paris. Le conservateur du cimetière s’immobilise un instant, avant de s’apercevoir que l’auteur de ce chahut n’est autre qu’un petit rouge-gorge. Pour le fantôme aux poils roux, il faudra repasser. (...)
« J’ai envie de montrer que le Père-Lachaise, ce n’est pas juste les tombes de Jim Morrison, Édith Piaf ou Molière. Au milieu des célèbres sépultures habitent une faune et une flore captivantes. » Petit-fils et fils de marbriers funéraires, Benoît Gallot est arrivé aux commandes du Père-Lachaise en 2018. À ses heures perdues, il enfile son costume de photographe animalier et disparaît dans l’obscurité des petites allées pavées. Publiés sur son compte Instagram, ses clichés reflètent la facette plus vivante du site et sensibilisent les usagers. (...)
« Je n’ai pas toujours eu cette fibre environnementale, reconnaît le quarantenaire. En 2010, lorsque je suis devenu conservateur du cimetière parisien d’Ivry, il ne fallait pas qu’il y ait le moindre brin d’herbe. Je considérais, comme beaucoup de gens, que tout devait être mort. » Au contact d’un ornithologue, Benoît Gallot a appris à lever les yeux. Son regard a changé. (...)
Benoît Gallot en est persuadé : l’arrêt progressif des produits phytosanitaires a joué un rôle essentiel dans la venue de la créature rousse au Père-Lachaise. Les sols sont plus riches en insectes, les ronces prospèrent et les animaux se délectent des baies sauvages. Les 4 000 arbres de la nécropole en font aujourd’hui le lieu le plus arboré de Paris intra muros. (...)
Le verdissement progressif du cimetière le plus visité au monde [1] ne profite pas qu’aux renards. Chaque semaine, un agent de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) réalise un relevé précis des espèces résidant au Père-Lachaise. Mésange, pic épeiche, rouge-gorge, geai des chênes, éperviers, chouette... La moins discrète d’entre elles est assurément la perruche à collier. (...)
Les renards, chauves-souris, fouines et hérissons ne sont pas les seuls mammifères à rôder clandestinement dans le labyrinthe de sépultures. Une quinzaine de chats sauvages ou abandonnés ont fait du cimetière vallonné leur demeure. (...)