
« T’es un Arabe, toi, de toute façon. » L’insulte a été prononcée par Clément, 8 ans, un élève de ma classe. L’Arabe, c’est Ethan, un camarade de Clément, né aux États-Unis, d’un père d’origine algérienne. À mes remontrances, mes explications, des élèves ont tenté : « C’est comme si toi, Clément, on te disait : "T’es un sale Français." » J’ai essayé de leur expliquer qu’Ethan, aussi, est français.
Une classe est un petit observatoire de la société.
(...) Tous ces élèves, l’école se doit de les faire réussir. Leur donner les mêmes connaissances et compétences. Les faire parvenir à une même ligne d’arrivée, sachant qu’ils ne sont pas tous sur la même ligne de départ. Pour donner sa chance à chacun, il faut développer une pédagogie différenciée(...)
de plus en plus, c’est en dehors du temps scolaire que la réussite à l’école se joue. Faute de moyens humains. À cause de programmes toujours plus chargés, de tâches administratives toujours plus lourdes, d’évaluations omniprésentes (lire la chronique précédente). De plus en plus, c’est grâce aux cours particuliers qu’Agathe et Antoine progresseront ; à l’anglais étudié en dehors de l’école qu’Ethan arrivera en 6e avec un très bon niveau ; au suivi du père professeur de mathématiques que Clémentine réussira dans cette matière.(...)
Quand l’État ne favorise pas le secteur privé, il crée des stages de remise à niveau, pendant les vacances de Pâques, début juillet et fin août. Mis en place à la rentrée 2008, ces stages sont proposés aux élèves de CM1 et de CM2, et assurés par des enseignants volontaires. Un petit coup de pouce financier quand le pouvoir d’achat s’amenuise : 15 heures de cours rémunérées aux alentours de 400 euros, exonérées d’impôts et de cotisations sociales. Aux enseignants de proposer aux parents le stage de remise à niveau. Même si les besoins de leur enfant ne collent pas tout à fait avec les ateliers proposés, il faut s’assurer de la présence d’un minimum d’élèves pour pouvoir bénéficier de ces heures supplémentaires. Les familles, elles, sont souvent ravies d’être « déchargées » de leurs enfants pendant une partie des vacances scolaires…(...)
« Ce système entre dans un fantasme de l’individualisation dans lequel on abandonne le temps scolaire et la classe pour créer une usine à individualisation en dehors, estime Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, dans le quotidien Le Monde [4]. C’est comme si l’on créait un deuxième hôpital pour accueillir les patients qui auraient été mal soignés dans le premier. »
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