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En agriculture, les micro-fermes ont un très grand avenir
François Léger est chercheur au sein d’une unité mixte Inra/ AgroParisTech dédiée à l’agriculture urbaine.
Article mis en ligne le 5 septembre 2016
dernière modification le 30 septembre 2016

Alors que le modèle agricole dominant pousse à l’agrandissement des exploitations et au recours systématique aux produits phytosanitaires, les micro-fermes, comme celle du Bec Hellouin, représentent une alternative viable. C’est ce que détaille l’agronome François Léger.

(...) Depuis le début de ma carrière, je m’intéresse aux alternatives en matière d’agriculture : dans quelle mesure d’autres mondes sont-ils possibles ? Un jour, j’ai rencontré fortuitement les porteurs du projet du Bec Hellouin, dans l’Eure, Charles et Perrine Hervé-Gruyer. Nous avons eu une discussion autour de l’efficacité économique des systèmes agricoles de petite taille.

Mon but, avec ce travail sur la ferme du Bec Hellouin, était de m’interroger sur cette homogénéisation, cette standardisation de la notion de progrès agricole. Il faut montrer qu’il n’y a pas qu’un modèle possible, diversifier les points de vue. Ensuite, les micro-fermes permettent de repenser la place d’une agriculture dans un contexte où le foncier est restreint : en ville ou dans certaines zones peuplées. Dans ce sens, elles ont un avenir certain.

L’étude sur la ferme du Bec Hellouin s’inscrit ainsi dans une recherche plus globale sur les micro-fermes maraîchères. Nous continuons ainsi à travailler sur d’autres fermes, en enrichissant et en complétant les résultats obtenus au Bec. (...)

De l’étude réalisée au Bec Hellouin, on a surtout retenu qu’il est possible pour un paysan de vivre de son travail avec une surface de 1.000 m2. Mais ces résultats font aujourd’hui débat : beaucoup estiment qu’il est impossible de vivre avec si peu de terres. Qu’en dites-vous ?

L’étude a porté sur 1.000 m2 de surface cultivée, isolée du reste de la ferme (qui compte 12 hectares au total, dont une majorité de forêt). Sur ces 1.000 m2, nous avons comptabilisé toutes les heures de travail effectuées et nous avons mesuré la performance économique. Les surfaces nécessaires sont certainement supérieures à 1.000 m2 : il faut des espaces supplémentaires pour les bâtiments, des terres non cultivées pour la gestion de la fertilité. Le cas du Bec Hellouin ne permet pas de tirer des conclusions sur ce dont on a besoin pour vivre. Cependant, les recherches que nous menons sur d’autres micro-fermes semblent corroborer ces résultats. Mais il y a eu une grande incompréhension autour de la publication de nos résultats, car nombre de personnes sont à la recherche de recettes : dites-nous comment faire !

Personnellement, je ne veux pas que la ferme du Bec Hellouin devienne le modèle unique. Je combats l’idée selon laquelle il pourrait y avoir des systèmes types.

L’industrialisation de l’agriculture s’est justement faite via la promotion de systèmes standardisés. Par contre, il y a des principes, des « métarègles », des points de vigilance qui permettent de mettre en place une activité agricole viable sur de très petites surfaces, et c’est cela qui m’intéresse. Il faut créer des systèmes qui mettent en œuvre ces principes, mais en les réinterprétant, à partir des spécificités locales de tous types (commerciale, climatique, agronomique, sociale).
Et quels sont ces principes ?

La ferme du Bec s’inspire des principes de la permaculture : pas de produit phytosanitaire, peu de mécanisation, une grande diversité de production, l’association de cultures, l’agroforesterie (vergers maraîchers).

Au-delà de ces principes, l’un des premiers enseignements, c’est que dans l’arbitrage entre taille de la mise en culture, forces disponibles et marchés à couvrir, les gens ont souvent tendance à aller vers des surfaces trop importantes, qu’ils ont du mal ensuite à entretenir et à valoriser. La conclusion de cette étude, c’est qu’il faut savoir faire petit, mais très bien tenu, très bien pensé. Quand on veut en faire trop, on se retrouve souvent à ne plus pouvoir maîtriser son affaire. (...)

Vous menez depuis plus de deux ans des études complémentaires. Que vous apprennent-elles ?

Les travaux en cours donneront lieu à une soutenance de thèse en décembre prochain. Le doctorant, Kévin Morel, s’est rendu notamment en Angleterre, à Londres, pour étudier l’agriculture urbaine. Les premiers résultats vont dans le même sens que ceux obtenus à la ferme du Bec Hellouin : vivre correctement avec de petites surfaces, c’est possible, et cela passe notamment par une utilisation intensive de l’espace cultivé et une intégration sociale forte.