Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
En Serbie, depuis que la Chine a racheté une mine, les habitants suffoquent
Article mis en ligne le 2 janvier 2020

La pollution de l’air a atteint des niveaux dramatiques depuis que la compagnie chinoise Zijin mining a racheté les fonderies de Bor à l’État serbe en 2018, sauvant la ville toute entière de la faillite. Les habitants suffoquent et ont le sentiment que leur mine a été bradée à l’étranger, et leur santé avec.

Quand la nuit tombe, le brouillard de métaux lourds devient si épais que l’on peine à voir devant soi à plus de dix mètres. Adossées au centre-ville de Bor, l’une des plus grandes cités minières de Serbie, les deux cheminées de RTB, la fonderie de cuivre, laissent échapper une fumée acre. Elle prend à la gorge et enveloppe la ville dans une brume permanente. Depuis que la multinationale chinoise a racheté la mine de cuivre au gouvernement serbe il y a un peu plus d’un an, la pollution au dioxyde de soufre a atteint des niveaux inégalés : jusqu’à 3.000 microgrammes de dioxyde de soufre par mètre cube selon le ministère de la Protection de l’environnement, soit près de dix fois plus que le seuil de dangerosité acceptable pour l’humain. (...)

L’air est aussi plein de particules fines et saturé de métaux lourds comme l’arsenic. « Quand la mine appartenait encore à l’État, il y avait des contrôles de la qualité de l’atmosphère. Si c’était trop dégradé, l’usine baissait sa production. Aujourd’hui plus rien » (...)

Depuis plusieurs mois, des centaines d’habitants descendent régulièrement dans la rue pour interpeller la multinationale et les pouvoirs publics. Les manifestants sont inquiets de voir leurs enfants quasi systématiquement atteints d’asthme, et les cas de cancer des poumons se multiplier depuis peu.

Au moment du rachat, l’entreprise avait bien promis d’investir 135 millions dans l’installation de filtres à particules dans les cheminées. Mais au pied de la fonderie, les allées du marché continuent d’être envahies d’un voile toxique et les habitants des immeubles délabrés de l’époque socialiste continuent d’essuyer régulièrement une épaisse couche de suie sur le rebord de leurs vieilles fenêtres en bois. (...)

42.000 tonnes de cuivre sortent chaque année des fonderies. Dans six ans, Zijin prévoit de passer à 150.000 tonnes.
La Chine expédie son cuivre vers l’Europe sans être soumise aux réglementations environnementales communautaires (...)

Depuis un an les exportations de minerai estampillé RTB vers la Croatie, l’Italie, l’Allemagne ainsi que vers l’empire du milieu ont explosé. Depuis le port du Pirée à Athènes — passé sous contrôle chinois — jusqu’à la mine de Bor et le projet de ligne à grande vitesse reliant Belgrade à Budapest, un nouveau chemin de la mondialisation se dessine dans les Balkans, comme une voie propice aux exportations de produits par la Chine et à ses importations de cuivre, une matière première indispensable à l’industrie électronique ou à celle des énergies renouvelables.

« Pour le moment c’est juste le problème de Bor. Dans dix ans, quand toute l’eau polluée de la Reka [la rivière qui passe à l’est de Bor] se sera déversée dans la mer Noire, alors ça deviendra celui de toute la région, jusqu’à la Roumanie », prophétise Irena Zivkovic, une militante environnementale, co-organisatrice de la vague de manifestations contre Zijin, dont celle du 15 novembre dernier. (...)

L’entreprise se retrouve en position de force face à un pouvoir serbe trop heureux d’avoir trouvé avec la Chine une superpuissance prête à investir des milliards dans le pays pour reprendre les fleurons industriels vieillissants. (...)

Quand tant de vies dépendent d’un seul employeur, la question des nuisances environnementales devient délicate. La pneumologue d’un hôpital privé de la ville nous a répondu qu’elle n’avait pas de commentaire particulier à faire sur la situation pourtant alarmante, avant d’avouer à demi-mot que le sujet était trop politique. (...)

Le FMI — le Fonds monétaire international — s’est en tout cas félicité de la recapitalisation des fonderies par Zijin mining. Dans les rues grises de la ville minière, beaucoup ont le sentiment que leur mine a été bradée à l’étranger, et leur santé avec. Pris en étau entre le spectre du chômage et les maladies respiratoires, Bor respire à pleins poumons la défaillance financière du gouvernement serbe et les ambitions commerciales chinoises.