Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
En Martinique, des solutions agricoles émergent pour éliminer le chlordécone
Article mis en ligne le 2 septembre 2021

En Martinique, des agriculteurs installés sur les terres contaminées au chlordécone cherchent des solutions pour faire pousser des fruits et légumes sains et améliorer l’état des sols afin d’augmenter la production locale.

(...) Là, la richesse des sols volcaniques combinée à une forte pluviométrie et à la chaleur — certes plus modérée que dans les plaines — profitent à l’agriculture. Cette luxuriance masque une tragique réalité : en 2015, 10 000 hectares apparaissaient contaminés au chlordécone sur les 25 000 hectares de surface agricole utile que compte la Martinique (...)

Pesticide organochloré, le chlordécone a été autorisé sur les territoires français à partir de 1972 et utilisé à grande échelle jusqu’en 1993 dans les bananeraies antillaises pour lutter contre le charançon. Il était pourtant interdit en France depuis 1989. (...)

Plus de 90 % des Guadeloupéens et Martiniquais contaminés

Si les ouvriers agricoles qui ont épandu manuellement Képone et Curlone (ses noms commerciaux), sans contrôle des dosages, sont les premières victimes de ce produit cancérogène et perturbateur endocrinien, plus de 90 % des Guadeloupéens et des Martiniquais sont contaminés (...)

Plus de 90 % des Guadeloupéens et Martiniquais contaminés

Si les ouvriers agricoles qui ont épandu manuellement Képone et Curlone (ses noms commerciaux), sans contrôle des dosages, sont les premières victimes de ce produit cancérogène et perturbateur endocrinien, plus de 90 % des Guadeloupéens et des Martiniquais sont contaminés (...)

Mais puisque les Martiniquais ne peuvent se contenter de cultiver seulement les terres non-polluées, il leur faut développer des solutions pour produire une nourriture saine en terres contaminées (...)

À Sainte-Cécile, à l’entrée du Morne-Rouge, François de Meillac a acquis en 2006 des terres qui avaient jadis servi à la culture de la banane. Si la concentration du chlordécone y diffère selon les parcelles, la molécule est omniprésente. Pour s’en affranchir, il développe la culture hors-sol, qui est aujourd’hui la solution technique souvent employée pour les cultures de tomates. Sont nées deux entreprises : Floral et Les Jardiniers du Nord. (...)

Parmi les 2 500 m2 de serres partagées avec l’horticulture, Les Jardiniers du Nord produisent essentiellement des tomates hors-sol dans un substrat composé de fibres de coco. La concentration en chlordécone n’atteint pas les fruits — sauf s’ils sont en contact avec le sol — car la molécule, lourde, ne remonte pas dans la sève. Ici, l’hydroponie répond donc à deux problématiques, microbienne et chimique. « L’utilisation massive de biocide (chlordécone mais aussi glyphosate) a éradiqué une grande partie de la vie microbienne du sol. S’est donc développée à la Martinique et dans de nombreux pays tropicaux une bactérie pathogène appelée Ralstonia Solanacearum » (...)

Des hauts-parleurs accrochés en haut des serres diffusent deux à trois fois par jour, à heure précise, des protéodies. « Ce sont des mélodies spécifiques qui vont inhiber la protéine de certains organismes » (...)

La transformation du modèle agricole ne se fait pas seulement à l’intérieur des serres. Celui qui n’est désormais plus un néo-agriculteur s’évertue à reconstituer un écosystème autour de ses terres en plantant dachines, passiflores et fruitiers pour rompre avec la tradition hygiéniste de désert sanitaire et faire revivre les sols. À terme, Arnaud de Meillac vise un retour en pleine terre mais sous abri.
L’agroforesterie pour dépolluer progressivement les sols (...)

« un système qui a une forte capacité de résilience et qui limite le lessivage des sols en cas de fortes pluies ». Son objectif est de « produire un maximum de fruits et de légumes sains pour la population locale ».

L’an dernier, il a tenté de dépolluer une parcelle sur laquelle il a planté de nombreux fruitiers et autres arbres endémiques. « Nous avons aussi développé des “biols” de micro-organismes forestiers à la diversité incroyable, puisés dans la forêt voisine. Nous espérions, en les inoculant dans le sol, qu’une de ces nombreuses souches casse la molécule du chlordécone et règle ainsi le problème de pollution pour nous et pour le reste des terres contaminées », résume l’agriculteur. Mais l’expérience n’a pas entièrement porté ses fruits : la molécule est toujours présente. « C’est un échec émotionnel car nous espérions bien participer à la réparation des sols en mettant en place cette biodiversité végétale et microbienne. » (...)

À l’échec agronomique s’ajoute l’échec financier. (...)

Dilution de la pollution

L’expérience a tout de même démontré qu’en plantant diverses espèces d’arbres, Arnaud de Meillac et ses employés avaient mis en place le meilleur potentiel de décontamination naturelle et de refertilisation progressive des sols. Car si la molécule est toujours détectée dans les analyses de sol, sa concentration est plus faible qu’avant (...)

Une planification en trois temps : celui des cycles courts (six à neuf mois) comme la banane, la papaye, le maracudja (fruit de la passion), des cycles moyens (environ deux à cinq ans) comme le poivre, le cacao et la vanille et les arbres fruitiers, puis des cycles longs (trente ans) pour le bois d’œuvre avec le courbaril par exemple. Ainsi, Arnaud de Meillac espère non seulement que l’exploitation devienne rentable et reproductible mais surtout laisser une terre propre aux générations futures.